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ils s’espaçaient. Restaient une nervosité excessive, quelques palpitations, et cette singulière fixité du regard, qui paraissait à certains moments comme inquiet, traqué même.

Le nom de Mlle de Saint-Cast n’est plus inscrit sur le registre de la Maison pour demoiselles après le mois d’août 1823 ; il est donc à présumer que la jeune fille quitta l’institution dès la distribution annuelle.

Elle a alors seize ans et elle est, disent ses maîtresses et ses amies, d’une « beauté ravissante ». Elle reçoit, depuis un an déjà, les leçons de dessin d’un nouveau professeur, M. Amaury, qui fait fureur dans la « société » malouine. On relève aussi les notes d’un maître de maintien ; il « enseigne à ces demoiselles quelques pas, la galope », sans oublier les révérences que toute jeune personne de la bonne société doit connaître et exécuter avec grâce. Si l’on ajoute à ces agréments le piano dont Mlle de Saint-Cast, au dire de ses amis, « touche fort bien », (elle a des mains « d’une perfection exquise ») on pensera qu’il n’en faut pas tant, en 1823, pour être considérée comme une jeune fille accomplie ; en outre, le commandant passe pour jouir d’une large aisance. Anne-Marie est fille unique et très jolie : dès qu’elle apparut, les galants ne lui manquèrent donc point et bourdonnèrent autour d’elle comme hannetons en mai.

Le caractère de Mlle de Saint-Cast, au milieu des événements qu’elle va traverser, semble effacé, elle paraît sans initiative, elle subit, et n’entraîne point. Comme enfant, elle était vive, mais douce, sans malice, bonne camarade, incapable de ces petites trahisons ou méchancetés si fréquentes chez les écolières ; jeune fille, elle devient assez apathique, plus mélancolique aussi ; sans doute ce changement de caractère chez elle provient-il du bouleversement qui trouble sa jeune