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on découvre, en étudiant cette histoire, des mystères et des coïncidences si saisissantes, que l’on ne peut se tenir d’y apercevoir une présence et une direction. Parfois l’atmosphère est intolérable : ce sont des pas que l’on entend ; c’est le valet de Karmord, que l’on rencontre là où il n’a que faire ; c’est une lettre tombée d’on ne sait d’où ; c’est la vieille Perrine prise subitement de douleurs au moment d’accompagner sa jeune maîtresse au prône, en l’absence de Mme de Saint-Cast, et qui est remplacée par une fille de l’office entrée tout récemment dans la maison, sortant précisément de celle de l’armateur. Dans la suite, bien d’autres événements auront lieu, plus redoutables : jamais l’on n’en découvrira les auteurs, et l’on ne sait comment l’on songe à Karmord, bien qu’il soit loin et qu’il ait fait annoncer à son de trompe qu’il était parti « désespéré et comme fou pour un très long voyage ». Nous n’en croyons rien et demeurons persuadés, après avoir étudié cette affaire, que Karmord ne quitta jamais Saint-Malo une heure depuis le jour de sa dernière rencontre avec Anne-Marie jusqu’à celui de la mort tragique de la jeune fille.

Précisément, le jour où Perrine gémissante dut renoncer à accompagner son « Anaïk » à l’église et est remplacée par la jeune Agathe, il se passe un fait surprenant : Mlle de Saint-Cast, après le prône, se dirigeait avec la foule vers la sortie principale, celle qui ouvre sur la place, mais cette porte-ci est trop encombrée, la jeune fille change d’avis, revient sur ses pas et va vers le portillon qui se trouve à gauche de l’autel et en contrebas. Un remous de la foule la sépare d’Agathe, Mlle de Saint-Cast, après avoir pris de l’eau bénite et s’être signée, descend seule dans l’étroit « tambour » contenant les quelques marches qui conduisent à la porte. Karmord est là, il l’attend, il a « méchante mine » ; il se penche vers Mlle de