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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/121

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toute notre intelligence à le servir ; mais il ne faut pas donner notre vie.

Luba. — Mais papa prétend que c’est précisément cela qui est nécessaire.

Boris. — Je ne le comprends pas ainsi ; on peut servir le peuple sans perdre sa vie. On peut renoncer au superflu. C’est ce que je souhaiterais si toi-même…

Luba. — Je veux ce que tu veux, je ne crains rien.

Boris. — Mais ces boucles d’oreille, cette toilette ?

Luba. — Les boucles d’oreille, on peut les vendre ; la toilette peut être simple sans être hideuse.

Boris. — Crois-tu que je n’aie pas été indiscret en allant avec lui au village ?

Luba. — Pas du tout. Je vois qu’il s’est pris d’affection pour toi, et j’en suis bien heureuse ! C’est à toi qu’il s’adressait le plus souvent, hier.

(À ce moment, on entend jouer une mélodie de Schumann dans la pièce voisine.)

Luba. — C’est Tania qui joue !

Boris. — Du Schumann !

(Silence. Musique, des applaudissements, puis entrent Tania, Stepa, Lise. Tous sont émus.)

Luba. — Bravo, Tania !

Lise. — C’est beau, hein ?

Stepa. — Je ne vous soupçonnais pas un tel talent. C’est un véritable jeu de maître. On voit que les difficultés n’existent pas pour vous. Vous ne songez qu’à l’expression, et vous exprimez d’une façon si merveilleusement délicate…

Luba. — Et noble.

Tania. — Cependant ce n’est pas ce que je voudrais, il manque encore bien des choses.

Lise. — Que voulez-vous de plus ?… C’est merveilleux !

Luba. — Schumann est beau ; mais Chopin vous poigne davantage.

Stepa. — Il a plus de lyrisme.

Tania. — On ne saurait les comparer.

Luba. — Te souvient-il de son prélude ?