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LE SUCRIER EMPIRE

relis vingt pages du gros Larousse dont la pile me sert de table de chevet et je m’endors…




Ah ! Le mufle ! Le saligaud ! À peine avais-je pénétré dans son bureau de la rue Rougemont qu’il s’est levé, a poussé le verrou de la porte, m’a indiqué un siège d’une main molle et m’a dit :

— Mon vieux, je n’irai pas par quatre chemins. Je m’occupe de bretelles, mais pas de bandeaux sur les yeux. Et j’y vois clair ! Tu fais la cour à ma femme ! Ne proteste pas, c’est inutile ! Tu as été, tu es, ou tu seras son amant. À mon point de vue, c’est la même chose ; je préférerais peut-être que tu l’aies été ; elle en serait déjà dégoûtée. Tu penses bien que je n’ai pas cru un mot de ton histoire de rage de dents de Dinard !

— Mais ma joue enflée…

— Enflée ? De quoi, enflée ? Peut-être de baisers extraordinaires ! L’autre jour, après le Vaudeville, tu m’as tripoté la main d’une façon qui ne m’était pas destinée. Quand tu déjeunes à la maison, Jeanne consacre à sa toilette vingt minutes de plus. Par conséquent, je te le dis tout net, en voilà assez ! Évidemment, je sens que je ne suis pas très Parisien, mais je m’en fous ! Je ne veux pas être cocu, d’abord par goût personnel et aussi à cause de mes affaires. Pour que mes bretelles soient solides, j’ai besoin… que mon ménage le soit aussi. J’aime la tranquillité.

— Veux-tu me laisser parler…

— À ma femme ? Non !

— Pas à ta femme ! À toi ! Gaston, tu raisonnes comme un éperlan. Nous sommes, ta femme et moi, deux excellents camarades…

— Mais je le sais, mon vieux ! Jeanne est une épouse excessivement fidèle ; quant à toi, tu ne prendrais jamais la femme d’un ami, j’en suis convaincu ! Et cependant, vous coucherez ensem-