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LE SUCRIER EMPIRE

ble, parce que vous n’avez rien à faire ni l’un ni l’autre, parce que c’est une fatalité et parce qu’un mari a trop de travail. Tu comprends ? Je ne me soucie pas de déranger le commissaire de police pour vous entendre, à travers la porte, trotter, les pieds nus, dans une chambre d’hôtel. Je préfère te dire, amicalement : « Espace tes visites ! Invente un voyage ! Fous le camp ! » Je veux une femme qui s’occupe de son intérieur !… C’est à partir de ce moment que notre conversation a commencé à s’entendre dans tout le magasin.

— Si j’ai bien compris, tu me jettes à la porte ?

— Pas de grandes phrases ! Je t’indique simplement un moyen de sauver ta peau !

— C’est une menace ?

— C’est un pressentiment.

— J’ai une volonté terrible…

— J’ai un revolver excellent.

— Ne crois pas un instant que je cède à une crainte ridicule ! Si je m’en vais, c’est pour éviter à ta femme le moindre ennui, le plus petit désagrément. Mais je tiens à te dire…

Nous nous sommes levés, nous avons gagné la porte du bureau.

— … Que toute cette histoire est stupide, que tu regretteras mon amitié, une amitié d’avant-guerre, tout ce qu’il y a de solide…

Nous traversons le magasin.

— … Qu’il faut même tous nos vieux souvenirs d’enfance pour que je supporte une telle incorrection…

Sur la porte de la rue, je cherche quelque chose de vexant.

— … Et que je te laisse à tes bretelles, tes sales bretelles Poussenot, qui meurtrissent les épaules et esquintent les pantalons. Une bretelle de mercanti, qui vaut vingt-deux sous, bien payée !