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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/200

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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

— C’est que… c’est un moyen que tu trouveras peut-être un peu radical.

— Il n’y aura jamais de moyen trop énergique pour me délivrer de souffrances plus exaspérantes qu’une véritable maladie !

— Tu l’exiges ?

— Je l’exige.

— Sans que je m’engage à t’expliquer ?…

— Je me livre à toi.

— Allons !

J’achevais de me rhabiller. Je n’avais plus qu’à glisser une manche de mon veston. Il m’en empêcha et me mit le bras à nu, en me faisant signe de ne pas bouger. Sans un mot, il alla à son bureau, ouvrit un tiroir, en tira un petit nécessaire en nickel, contenant une seringue de Pravaz et un tube en verre effilé rempli d’un liquide clair. Chacun connaît la pratique des injections hypodermiques : je n’y insiste pas.

Il éleva l’instrument en l’air :

— La seringue, que Molière tournait en ridicule, est devenue de nos jours un outil de première valeur. On n’empoisonne plus correctement que par la peau. Les dramaturges qui font mourir leurs héroïnes des suites d’une ingestion de drogue ne sont plus à la page. C’est l’injection qui tue proprement. Un J au lieu d’un G : question de jambage… À nous, les médecins du xxe siècle, le droit de jambage des seigneurs de jadis !…

Sa plaisanterie ne me délivra pas d’une certaine appréhension. Je ne m’expliquais pas qu’une piqûre, à moins qu’elle ne contînt un toxique, pût influer sur la mentalité d’un humain au point de dissiper des tourments plus moraux que physiques. Je fis un pas en arrière.

— Tu cannes ?

— Mais non, je ne canne pas !… protestai-je, en reculant encore.

Il était l’homme des interventions rapides. Il bon-