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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/201

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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

dit sur moi, s’empara de mon bras et y plongea son aiguille.

— Peing !… aboya-t-il en même temps.

— Je te remercie.

Ah ! si j’avais su, comme le remerciement se fût arrêté dans ma gorge !…

Il faut toujours quelques minutes avant qu’agisse un médicament distribué de cette façon. Je remis mon veston et considérai Tornada rangeant son appareil, puis vidant soigneusement, dans un cendrier, le restant de liquide de son ampoule, qu’il brisa également, comme s’il eût voulu anéantir toute trace de sa pratique. J’eus encore le temps de lire le n° 222, inscrit sur cette ampoule.

Mais bientôt ma vue s’obscurcit et je sentis une contracture ; difficilement exprimable, envahir tous mes muscles, en se portant également sur ceux de ma nuque. Ce n’était pas douloureux : seulement troublant par l’inattendu de cette impression. Persuadé que j’allais perdre l’équilibre et qu’il fallait me retenir à un meuble, je tendis toutes mes forces pour saisir un fauteuil. Lutte inutile : je m’abattis tout d’une pièce sur le tapis, sans perdre toutefois connaissance. Tornada se pencha alors sur mon corps inerte. Il s’empara de l’un de mes bras, pour en vérifier la résistance. J’étais comme tétanisé, curarisé. Il souleva mes paupières, examina mes yeux et les referma. Il me pinça fortement à la jambe gauche et constata que je ne réagissais pas, bien que je ressentisse une vive douleur. Il me tâta enfin la région du cœur.

Il hachait en même temps :

— Épatant… rigolo !… foudroyé !… torpillé !… médusé !… plus de pouls !… respiration zéro… réflexes néants… crevé, enfin… un pur macchabée !… Mais attendons… attendons la suite…

Il se leva, alla ouvrir la porte et cria ver l’antichambre :

— Jean !… Jean !…

Incapable de soulever les paupières, je ne pouvais