— Comment allons-nous l’habiller ? questionna Mme Godsill.
— En habit, parbleu !… trancha Tornada. Étienne Montabert ne peut descendre dans le trou qu’en toilette de gala. Regrettons seulement qu’il ait sauté le pas trois jours trop tôt : nous aurions pu le broder de vert, le casquer d’un bicorne, et le ceinturer d’un glaive. Ça, c’est une tenue pour se présenter devant l’Éternel !
— Il n’a plus d’habit mettable…, se désola ma femme. Les siens ont été mangés aux mites pendant la guerre et, depuis, il ne porte plus guère que le smoking.
— Va pour le smoking, dit Tornada. Il serait du reste un peu tard pour lui faire faire un habit. Autre question : quel enterrement lui réservez-vous ?
— Religieux, mes principes me l’ordonnent !… déclara Lucienne.
— C’est indiqué pour un écrivain qui, sans être un croyant, défendait dans ses œuvres les bonnes traditions, sabre et goupillon… Mais je vous demande : quelle classe ?
— La première, naturellement, docteur !…
— Peste !… Douze voitures !… Dites donc, vous savez ce que coûte le croque-mort, en ce moment ?
— Je ne veux rien refuser à l’homme que j’ai adoré.
— Bravo !… vibra Tornada. Si toutes les femmes étaient de votre acabit, il n’y aurait plus un mari en France : ils voudraient tous tâter du pissenlit par la racine !
Il se calma :
— Ainsi, c’est compris, vous lui préparez son smoking no 1, sa plus reluisante chemise et ses souliers des grands soirs. Son gala, enfin, comme s’il dînait chez la duchesse en votre compagnie, ma mignonne. Et n’oubliez pas sa brochette de décorations. Il y tenait à sa quincaillerie. Puis, quand ce sera prêt, dans vingt minutes, je reviens lui glisser ça.