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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

le secret, je pouvais m’étonner que les recherches n’y eussent pas tout d’abord été dirigées.

La fouille de ce côté n’ayant pas donné de résultat le Ségur 102-90 ne tarda pas à paraître. C’était un homme. Mieux, un beau mâle. Il me rappelait le rastâquouère qui avait lorgné Lucienne le soir de la Walkyrie. Il en avait la jeune vigueur, le visage glabre, teinté des ardeurs de l’Orient, la chevelure brune, abondante et disciplinée. Un type d’homme qui devrait plaire à toutes et que j’eusse peut-être également admiré, s’il n’avait gâté ces dons naturels par une recherche d’élégance dépassant la distinction. Sa cravate, trop voyante, était épinglée d’une perle baroque excessive. Ses doigts étaient couverts de cabochons qui raccrochèrent la lumière de mes bougies.

Je n’oserais soutenir que je lui fis peur, mais je l’impressionnai certainement. Il hésita sur le pas de la porte et ne reprit courage que devant l’étonnement de Lucienne.

— Eh bien, qu’attendez-vous ?

— On n’y verra pas…

— Qu’à cela ne tienne…

Elle donna à plein l’électricité. Alors il se campa au pied de mon lit.

— C’est étonnant…, proféra-t-il, il ne ressemble absolument pas aux portraits des journaux.

— De quels journaux voulez-vous parler, Guy ?

Il s’appelait Guy : le vocable ne démentait pas la silhouette. Et il m’apparut que Lucienne le prononçait familièrement. Mais Guy pouvait être également un patronyme.

— Je parle des journaux de ce matin.

— Comment ! déjà !… déjà, ils annoncent !… j’avais pourtant retardé toute communication à la presse, pour ne pas être importunée.

— Biographie et bibliographie au complet. Ces articles-là sont faits d’avance, quand il s’agit d’un vieux. Vous êtes même citée.