Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/328

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Puis il essaya de prendre un ton libre et narquois pour ajouter :

— Pas souvent.

— C’est qu’il y a tant de beautés ! observa la femme. Chacun son type, n’est-ce pas ?… Vous, vous avez le type qui me plaît… Et puis, j’aime votre voix… C’est une voix grave… Moi, quand j’entends une voix grave, comme la vôtre, j’ai envie de fermer les yeux… pareil qu’à l’église… Où c’est que vous habitez ?

— Tout près d’ici… rue Jacob…

Et, dans un grand élan, Anthelme Charibot continua :

— Vous me direz votre vie !… Vous n’avez pas été heureuse, je ne l’ai pas été toujours. Mais je sens que pour nous deux, le bonheur approche. Ce n’est pas le hasard qui nous a réunis.

— Sûrement pas ! affirma la jeune femme gravement. Je me demande encore comment j’ai osé vous parler… C’est quelque chose qui m’a poussée vers vous. Pour sûr, si j’avais réfléchi, je n’aurais pas pu !

— Vous le regrettez ? demanda Charibot, presque coquettement.

La femme sourit.

— Grand fou !… Comme si vous ne saviez pas le contraire !… Vous avez bien vu comme j’ai tout de suite eu confiance !… Avec un autre, est-ce que j’aurais pu ?… Il ne m’aurait pas crue !

— Moi, je vous ai crue.

— Je le sais. Et c’est ce qui me rend heureuse, plus que tout le bien que vous pourrez me faire. Ce n’est pas tous les jours, dans la vie, qu’on a l’occasion d’être comprise !

— À qui le dites-vous ? fit M. Charibot, profondément.

Et d’une voix faible, qui paraissait s’excuser d’une telle audace, il demanda :

— Quel est votre nom ?

— Mathilde… Mathilde Bécherelle.