Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/359

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L’homme, sous le lit haut juché à la mode d’autre fois, glissa sur ses coudes. La lune éclairait faiblement la chambre. Une tête ronde, grosse, brune, apparut. Puis des épaules trapues. Et il se dressa « ès pieds ». Il essuya la poussière et des fils d’araignée sur ses yeux, et, sans s’occuper de la dormeuse, il se remit à genoux pour tirer une arme cachée sous le lit. Tranquillement il sortit de sa « poukette » une chandelle des douze-longues et battit le briquet. L’enfant dormait toujours. Mais la sensation de la lumière fit ce que n’avait pu le bruit. Ses paupières battirent, et elle ouvrit des yeux effarés.

Un homme !… Elle ne le vit que de dos qui déficelait un paquet sur la commode. Nettement, malgré son épouvante, elle perçut un cliquetis de métal. Mais la peur figeait son sang.

Elle ne put ni bouger, ni crier. Elle referma les yeux, étranglée, paralysée, morte. Lui, étalait une pince, un marteau, un ciseau à froid, sans hâte, et juste à ce moment-là, il se mit à penser tout haut :

— Faut voir si elle dort pour de bon. Sa chandelle au poing, il alla vers le lit et leva la lumière au-dessus du visage clos. Un instant, il jouit du désordre des cheveux, de la gorge plus qu’enfantine.

L’arôme grisant, qui monte des draps où mijote le sommeil des brunes neuves et nubiles, enfla sa narine.

Il se pencha pour subodorer l’aigrelette aisselle, où le naissant écheveau de la puberté faisait une petite touffe fine comme de la plume. Mais la volupté est ennemie des affaires ! L’homme se reprit vite, et penchant exprès pour son expérience le suif enflammé, en fit tomber deux larmes chaudes sur le bras nu de la dormeuse.

Denise aussi s’était reprise. Elle eut le courage, quand la cuisson moira d’un frisson sa peau moite, d’ignorer la brûlure légère et de rythmer son souffle sous l’œil ennemi.