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Vers quatre heures, une voix dit :

— Te rendras-tu ?

— Non.

— Te rends-tu ? Tu auras la vie sauve !

— Non !

— Eh bien, si tu veux qu’on parte, rends-nous nos outils.

— Hein ? ceux qui peuvent mettre bas la porte ?

— Non, on va te laisser. Mais rends au moins mon sabre et nous partirons… Tu ne réponds pas ? Eh bien, nous reviendrons en force vous égorger tous, les tiens et toi, un jour que tu ne nous attendras plus. Passe-moi donc mon sabre par la chatière. T’as pas peur qu’on ébranle ta porte avec une lame de sabre ? Ah ! tu ne réponds pas, coquine ? Eh bien ! on va recogner. On l’aura ta porte maudite ! Elle s’ébranle…

— Si vous jurez de partir, je vais vous le rendre Baissez-vous et coulez votre main. Ça y est-il ?

— Oui.

L’homme de nuit dont elle avait vu le dos, et qui s’était penché sur son sommeil feint, coula sa main sous la porte.

Alors Denise, qui avait assuré le sabre dans sa dextre, rejeta le corps en arrière et, de toute sa force rénovée, abattit la lame sur le poignet qui fut tranché net.

Le sang gicla jusqu’à ses mollets. L’homme aboya de douleur comme un chien dont une roue a coupé la patte, et Denise Bourdel, épuisée par cette nuit tragique, tomba évanouie sur le plancher, dans le sang de sa victoire.

Nue parmi les étoiles pâlissantes, dégageant des longs voiles de crêpe et des noires écharpes ses sveltes cuisses, la Nuit de juillet secoue sur son dos creux et sur ses fesses ivoirines le deuil de ses cheveux violâtres.

Déjà ses orteils plongent dans la mer, tandis qu’ascensionne aux crêtes mauves des collines le vol glorieux du matin. La lumière effare le crime, affermit le faible, et les hommes recommencent à remplir leurs sentiers d’une vie forte.