Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

— Alors.

— Alors, j’attends.

— Vous attendez quoi ?

— Une chose qui va se produire.

— Quelle chose ?

— Patientez, mossieu le Ministre. Vous avez encore plus d’intérêt que moi à la connaître. Ce ne sera pas long, d’ailleurs. Quelques minutes… une dizaine tout au plus… C’est cela… dix minutes…

— Mais il ne se produira rien du tout ! s’écria Rouxval. Les aveux de ces gens-là sont catégoriques.

— Quels aveux ? fit le policier.

— Comment, mais ceux de Lériot, du comte et de sa femme.

— La comtesse peut-être. Mais le comte n’a rien avoué, et Lériot pas davantage.

— Qu’est-ce que vous me chantez là ?

— Ce n’est pas une chanson, mossieu le Ministre, c’est un fait. Les deux hommes n’ont, autant dire, pas soufflé mot. Au fond il n’y a qu’une personne qui a causé, c’est vous, mossieu le Ministre.

Et, sans paraître remarquer l’attitude menaçante de Rouxval, il articula :

— Un beau discours, d’ailleurs, que j’ai savouré comme il convenait. Quelle éloquence ! À la tribune de la Chambre, vous en auriez eu un succès ! Ovations, affichage, et tout le reste. Seulement, c’était pas ça du tout qu’il fallait ! Quand il s’agit de cuisiner le coupable, on ne le farcit pas de discours. Au contraire ! on l’interroge. On le fait jacasser. On l’écoute. Voilà ce que c’est qu’une instruction. Si vous croyez que le sieur Petitgris s’est contenté de roupiller dans son coin ! Fichtre non. Le sieur Petitgris ne lâchait pas de l’œil nos deux bonshommes, surtout le Bois-Vernay. Et c’est pourquoi, mossieu le Ministre, je vous avertis que dans huit minutes, quelqu’un viendra et qu’une chose se produira… Encore sept minutes et demie…

Rouxval était dompté. Il n’accordait pas le moindre