fois, au sieur Petitgris, assis sur une chaise, près de l’entrée. Le policier n’avait pas quitté la pièce.
— Comment, c’est vous ? dit Rouxval agacé. Vous êtes encore là !
— Oui, monsieur le Ministre, et je ne saurais trop vous engager à me tenir compagnie.
Rouxval fit la grimace et il allait relever, comme elle le méritait, cette familiarité choquante, lorsqu’un haut-le-corps le redressa soudain. Il venait de s’apercevoir que la canine du policier pointait à gauche, en dehors de la lèvre retroussée. Il n’eût pas été plus décontenancé si quelque phénomène inattendu avait surgi en face de lui. L’apparition de cette dent acérée, très blanche, longue comme une dent de bête fauve, il savait ce que cela signifiait d’ironique et d’impertinent.
« Crénom, je n’ai pourtant pas bafouillé », se dit Rouxval qui employa le terme même dont s’était servi Petitgris.
Il se rebiffa. Un ministre, habitué comme lui au maniement des hommes et des affaires, ne bafouille pas. Sa vision des faits est nette. Le chemin qu’il choisit mène droit au but, et les petits pièges où trébuche le vulgaire ne s’ouvrent point sous ses pas. Tout de même, la vue de cette dent le gênait. Pourquoi cette dent ? Que signifiait-elle en l’occurrence ?
Afin de se rassurer, il retourna l’accusation contre Petitgris.
« Si l’un des deux bafouille, c’est ce coquin-là. Car enfin, tout cela est tellement clair. Un collégien ne s’y tromperait pas. »
Si clair que ce fût, il accepta l’entretien et demanda d’un ton rogue :
— Je suis pressé. Qu’y a-t-il ? Parlez.
— Parler ? Mais je n’ai rien à vous dire, mossieu le Ministre.
— Comment, rien à me dire ? Mais je suppose que vous n’avez pas l’intention de coucher ici ?
— Certes non, mossieu le Ministre.