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Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/171

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— Mes amis, quelqu’un de vous serait-il assez bon pour m’indiquer la demeure de M. Pierre Wilks ? demanda-t-il.

Aussitôt les flâneurs échangèrent des regards et des clignements d’yeux qui signifiaient clairement : « Là, je vous l’avais bien dit », tandis que l’un d’eux répliquait d’un ton compatissant :

— J’en suis très fâché, monsieur ; mais nous pouvons seulement vous indiquer la maison où il vivait hier au soir.

Alors le vieux parut sur le point de se trouver mal. Le menton appuyé sur l’épaule de l’individu qui venait de répondre, il lui inonda le dos de ses larmes.

— Hélas ! hélas ! s’écria-t-il, notre pauvre frère… Nous espérions tant le revoir… Je me résigne ; mais c’est dur, c’est trop dur !

Au bout d’une minute ou deux, il se redressa, se retourna, s’essuya les yeux et fit des signes au duc avec ses doigts. Le diable n’y aurait rien compris. Le duc lâcha le sac de voyage qu’il tenait à la main et se mit à pleurer à son tour. On se groupa autour d’eux, leur prodiguant des paroles de sympathie. Ce fut à qui porterait leurs valises. Chemin faisant, on donna au nouveau venu une foule de détails sur les derniers moments de son frère. Le roi s’arrêtait, la larme à l’œil, pour les communiquer au sourd-muet dont la mine désolée vous aurait touché.

Il va sans dire que, pour ma part, je ne les plaignais ni l’un ni l’autre ; sans la frayeur qu’ils m’inspiraient, je les aurais dénoncés.