pas ça un congé. Tous les Anglais sont obligés de se montrer à l’église, le dimanche. C’est la loi.
Joana ne semblait pas convaincue.
— Je vois bien, me dit-elle, que vous vous êtes amusé à me débiter des histoires. Ce n’est pas bien de mentir, même pour s’amuser. Mon oncle se fâcherait, s’il le savait.
— Vous pouvez tout lui répéter, il ne se fâchera pas.
— Je suis sûre du contraire et je ne veux pas vous faire gronder. Une moitié de ce que vous m’avez dit peut être vraie ; mais je ne crois pas un mot du reste.
— Qu’est-ce que tu ne veux pas croire, Joana ? demanda Marie-Jeanne qui venait d’arriver avec Susanne. Ce qui n’est pas bien, c’est de parler ainsi à un étranger qui se trouve si loin de sa famille et de ses amis.
— Je te reconnais là, Marie-Jeanne. Toujours prête à panser les gens avant qu’ils soient blessés. Il m’a raconté des bourdes, et je lui disais que je ne pouvais pas les avaler, rien de plus.
— C’est déjà trop. À sa place tu te serais sentie froissée ; il est sous notre toit et personne n’a le droit de froisser son hôte.
— Mais il m’a dit que…
— Peu m’importe ce qu’il a dit. Notre devoir est de faire oublier à ce pauvre garçon qu’il n’est plus parmi les siens. Tu vois, il a l’air tout triste.
Je ne sais pas si j’avais l’air triste, je sais seulement que je me disais : Et voilà la fille dont le vieux caméléopard veut empocher l’argent !
Alors Susanne se mit de la partie, si bien que je fus tenté de prendre la défense de Joana, et je me dis : Voilà une bonne fille dont Tom Sawyer ne laisserait pas voler l’argent, s’il pouvait l’empêcher.
Ensuite Marie-Jeanne recommença ; elle parla très doucement, comme la première fois ; mais quand elle eut fini, la pauvre Joana avait des larmes dans les yeux.