Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/194

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Il se tut en apercevant le docteur, qui venait d’arriver et qui l’écoutait tout en causant avec deux autres messieurs que je voyais pour la première fois.

— Quand êtes-vous débarqué à Nantuck ? demanda un de ces derniers au roi.

— Le jour de l’enterrement, monsieur.

— Je le sais ; mais à quelle heure ?

— Dans la soirée — une heure ou deux avant le coucher du soleil.

— Comment êtes-vous arrivé ici ? Par quelle voie ?

— À bord du Franklin qui venait de Cincinnati.

— Alors comment vous trouviez-vous à la pointe le matin, dans un canot ?

— Je n’étais pas à la pointe. Vous vous trompez.

— Oh ! j’ai de bons yeux. C’est bien vous que j’ai vu passer dans un canot avec Tim Collins et un gamin.

— Reconnaîtriez-vous ce gamin, Hines ? demanda le docteur.

— Je crois que oui… Justement le voilà !

C’est moi qu’il désignait.

— Mes amis, dit le docteur, il se peut que les derniers venus soient les vrais héritiers ; mais si ces deux gaillards-là ne sont pas des fourbes, je consens à passer pour un idiot. Il est de notre devoir de les empêcher de s’échapper. Emmenons-les à l’hôtel. Une confrontation suffira peut-être pour tout éclaircir.

La révélation de M. Hines avait produit son effet ; les amis du roi commençaient à penser que l’on n’avait pas eu trop tort de les traiter de niais. On ne se contenta pas de garder à vue les deux frères, on les saisit au collet. Le jour baissait et maintenant que j’étais à peu près sûr qu’ils seraient coffrés, je n’aurais pas mieux demandé que de leur fausser compagnie afin de mettre mon projet à exécution. Pas moyen. Le docteur me tenait par la main et il ne me lâcha pas. Tout le monde entra pêle-mêle dans le grand salon de l’hôtel. On alluma des chandelles et l’on fit venir les nouveaux prétendants à l’héritage.