mais qu’il regardait comme au-dessous de sa dignité de subir un interrogatoire extra-judiciaire — d’autant plus que l’on pourrait se dispenser de l’interroger ; dès que le messager auquel il avait donné des instructions reviendrait avec ses bagages tout s’éclaircirait.
— Soit, dit le docteur ; mon opinion est déjà à peu près faite, et nous en serons quittes pour patienter jusqu’à… Ah ! mon cher Bell, vous voilà enfin ! Pourquoi nous avez-vous plantés là ? Nous avions grand besoin de vous.
— Et moi, j’avais faim, répliqua M. Levi Bell, qui avait l’air plus éveillé qu’une potée de souris.
Le roi se rappelait ce nom-là ; aussi recommença-t-il le manège qui lui avait réussi tout d’abord.
— Quoi ! vous êtes M. Levi Bell, l’éminent avocat dont mon pauvre frère se plaisait, dans ses lettres, à vanter l’éloquence et qu’il regrettait de ne pas voir siéger sur les bancs du Sénat ? Permettez-moi de vous serrer la main.
L’avocat parut flatté et pressa avec effusion la main qu’on lui tendait.
— Bell, s’écria le docteur, je vous croyais assez de bon sens pour ne pas vous laisser prendre à ces flagorneries ! Ce vieil intrigant a appris par Tim Collins les noms et les professions de la moitié des gens de la ville.
— C’est possible, répliqua M. Levi Bell ; mais il n’a pu apprendre de Tim que Pierre Wilks me reprochait d’être trop modeste pour me lancer dans la politique.
Là-dessus il se mit à causer à voix basse et d’un ton amical avec le roi.
— Oui, dit-il enfin, tout le monde admettra que la façon généreuse dont vous avez agi prouve que vous n’aviez aucun intérêt à faire disparaître les 6 000 dollars. Néanmoins, en votre qualité d’exécuteur testamentaire, vous auriez dû… Il faut retrouver ces nègres, et je me flatte que ce ne sera pas long, si je m’en mêle. M’autorisez-vous à prendre les mesures nécessaires ?