Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/216

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tant je suis heureuse de te revoir. Nous t’attendons depuis trois jours. Qu’est-ce qui t’a retardé ? Le steamer a donc échoué ?

— Oui, madame.

— Ne m’appelle pas madame ; appelle-moi tante Sally. Où a-t-il échoué ?

Je ne savais que répondre, parce que je ne pouvais pas deviner si mon steamer descendait ou remontait le fleuve ; mais il me vint une bonne idée.

— Ce n’est pas l’échouage qui nous aurait beaucoup retardés, si le cylindre n’avait pas éclaté.

— Bonté du ciel ! pas de blessés, j’espère ?

— Non ; il y a seulement eu un nègre tué.

— C’est heureux, car ces accidents-là estropient souvent beaucoup de monde. L’année dernière, ton oncle Silas revenait de la Nouvelle-Orléans ; une chaudière, un cylindre, ou quelque chose, a sauté et on n’en a pas été quitte à si bon compte. À propos, ton oncle est parti pour la ville, il n’y a pas une heure, espérant te ramener, et il ne peut tarder à rentrer. Tu as dû le croiser en route.

— Je n’ai rencontré personne, tante Sally. Il faisait à peine jour quand j’ai débarqué. On m’a indiqué mon chemin ; mais, comme tout le monde avait l’air de dormir par ici, j’ai un peu flâné.

— À qui as-tu remis tes bagages ?

— Mes bagages ?… Oh ! je sais où les retrouver, et, d’ailleurs, il n’y aura pas grand’chose de perdu.

— Comment as-tu fait pour déjeuner de si bonne heure à bord ?

— Il me restait des provisions.

Je devenais si inquiet que j’écoutais à peine Mme Phelps. Les enfants étaient toujours là. Ils commençaient à s’habituer à moi, et, si j’avais pu les prendre à part, j’aurais bien vite découvert qui j’étais. Mais ma tante n’en finissait pas. J’eus froid dans le dos lorsqu’elle s’écria :

— Voyons, c’est à ton tour de parler. Tu vas me donner des nouvelles de tout le monde. Comment vont-ils ? Que font-ils ? Quelles com-