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Nous allâmes rejoindre tante Sally dans la salle à manger, où elle était en train de ranger la vaisselle dans le buffet. Lorsqu’elle se retourna, j’avais déjà glissé une des cuillers dans ma manche et Tom étalait les autres sur la table.

— C’est drôle, ma tante, dit-il, je croyais que l’on avait retrouvé cette cuiller, et il n’y en a que neuf.

— Ne me tracassez pas ; je l’ai mise moi-même dans le panier et il doit y en avoir dix.

— Nous les avons comptées et il en manque toujours une.

Naturellement, tante Sally se fâcha ; mais elle se mit à compter à son tour, comme vous l’auriez fait à sa place.

— C’est vrai, s’écria-t-elle, il n’y en a que neuf… Je suis cependant bien sûre… Elle n’est pas tombée sous la table ?

Non ; elle n’était point tombée sous la table, mais dans la poche de son tablier, d’où Jim la retira une heure plus tard, en même temps que le clou. Tante Sally, après avoir secoué le panier, avoua tout bonnement qu’elle avait pu se tromper et nous pria de déguerpir, menaçant de nous frotter les oreilles si nous reparaissions avant l’heure du dîner.

Tom ne se montra pas satisfait de ce dénouement. Selon lui, la seconde disparition de la cuiller n’avait pas causé assez de surprise. Il parla même, afin de se rattraper, de remettre le drap de lit en place et d’en choisir un plus beau dans l’armoire au linge.

— Sais-tu où est l’armoire au linge ? me demanda-t-il.

— Non, répliquai-je.

— Oh ! tu ne sais jamais rien, toi. Alors, occupons-nous du pâté qui doit contenir l’échelle de Jim.

Ce pâté-là nous donna beaucoup de peine. Nous allâmes le préparer dans le bois. Le beurre et la farine ne manquaient pas ; mais il ne fut pas fini ce jour-là. Nous gaspillâmes trois casseroles de farine sans obtenir un bon résultat. Nous n’avions besoin que d’une croûte, et, comme il n’y avait rien dessous, le haut s’effondrait toujours. Ce ne fut