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— Ça ne ressemblerait plus à une évasion… Maintenant que j’y songe, nous aurons notre traître. Tu te déguiseras en femme pour glisser la première lettre sous la porte d’entrée.

— Je la glisserai aussi bien sans être déguisé.

— Est-ce que tu aurais l’air d’un traître dans tes habits de tous les jours ?

— La nuit, personne ne saura de quoi j’ai l’air.

— Ça n’a rien à y voir, Huck. Un traître doit toujours être déguisé et trembler d’être reconnu. D’ailleurs, il nous faut la robe pour autre chose. En général, c’est la mère du prisonnier qui l’aide à s’échapper — elle lui prête sa robe et il part à sa place. Le geôlier ne manque jamais de s’y laisser prendre.

— Qui sera la mère de Jim ?

— C’est moi qui suis sa mère.

— Alors tu seras forcé de rester dans la hutte pendant que Jim et moi filerons ?

— Pas si bête ! Je bourrerai de paille les habits de Jim pour faire croire que quelqu’un est couché sur le lit, et nous partirons tous ensemble.

Avant dîner j’avais emprunté la robe demandée, et, le soir, déguisé en traître, je glissai cet avis sous la grande porte :

Veillez au grain. Un orage vous menace. Ne dormez que d’un œil.

***

Il ne produisit pas beaucoup d’effet, ou du moins on s’abstint d’en parler devant nous. Tom pensa qu’il n’avait peut-être servi qu’à allumer la pipe d’un des nègres. La nuit suivante, nous collâmes un second avis sur la porte de derrière de la maison. C’était tout bonnement une tête de mort entre ces deux inscriptions tracées en lettres de sang :

PAR ORDRE DES RAVAGEURS. COMMANDEZ VOTRE CERCUEIL.

Tom me dit que personne ne rirait de ce message-là, parce qu’on respectait les sociétés secrètes. En effet, tante Sally se montra un peu