Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/264

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effrayée quand Sambo lui apporta le dessin ; mais l’oncle Silas, moins facile à intimider, se moqua d’elle.

— Sois tranquille, me dit Tom. Au troisième avis, qui sera la vraie lettre anonyme, il finira par se décroiser les bras.

Le soir même la lettre était prête ; elle disait :


C’est pour ce soir. Les Ravageurs veulent vous voler le nègre évadé. Ils ont essayé de vous effrayer pour avoir le champ libre. Je suis de la bande, mais je les dénonce parce que j’ai à me venger d’eux. Ils viendront juste à minuit. Ils ont une fausse clef pour ouvrir le cachot. Laissez-les entrer dans le cachot, et pendant qu’ils limeront la chaîne, vous les tuerez à votre loisir.

UN AMI INCONNU.


À souper, l’oncle Silas, afin de rassurer sa femme, avait promis de mettre un nègre armé en faction à chaque porte, de sorte que nous étions embarrassés pour envoyer le dernier message à son adresse. Tom descendit en glissant le long du paratonnerre, trouva la sentinelle endormie et épingla la lettre au chapeau du dormeur.

— Pour le coup, dis-je, lorsqu’il m’eut rejoint, nous voilà obligés de déguerpir.

— Oui, et on n’aura aucun reproche à nous faire ; nous aurons rempli notre devoir.

— Et en prenant une bonne avance… Si nous partions ce soir ?

— Vingt-quatre heures d’avance ! ça ne serait pas loyal, et puis nous avons à nous occuper du radeau.

— Pourquoi n’y as-tu pas pensé plus tôt ?

— J’y ai pensé, Huck. Tu sais bien que j’ai demandé campo pour demain, sous prétexte d’une partie de pêche. Nous profiterons de l’occasion pour inspecter le radeau. Notre canot est assez grand et en bon état ; mais c’est plus amusant de voyager à bord d’un radeau. Je voudrais déjà être installé sous ton wigwam.

En attendant, il se coucha sans se déshabiller et je suivis son exemple. Le lendemain, dès l’aube, nous partîmes avec le déjeuner et