Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/272

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— Sid dit que ce ne sera rien.

— Nous verrons. Pas de temps à perdre. Tu n’as pas laissé ton frère seul, je suppose ? Le nègre est évadé avec lui, hein ?

— J’avais promis de ne pas le dire ; mais, puisque vous devinez tout, ce n’est pas ma faute.

Lorsque j’eus fini de lui raconter l’aventure de la veille, nous étions arrivés à l’endroit où se trouvait mon canot.

— Ton Jim est un brave nègre, dit le docteur en sautant à bord, sans cela, il ne t’aurait pas donné un si bon conseil, au risque d’être repris. Je tâcherai de le tirer d’affaire quand il m’aura aidé à extraire la balle… Sur le radeau, ton frère ne sera pas trop secoué… Allons, je n’ai pas besoin de toi, tu me gênerais. Détache l’amarre et cours prévenir ta tante.

— Oh ! on doit nous croire dans notre lit, et plus tard on croira que nous sommes encore partis pour pêcher. J’aime mieux attendre votre retour.

— En effet, il est inutile d’effrayer ta tante d’avance, et je ne serais guère revenu avant midi. Tu es tout pâle ; va te reposer chez moi.

J’avais mon idée. À la façon dont il maniait les rames, j’espérais bien le voir arriver avant l’heure du goûter. Je me couchai donc sous les arbres, décidé à monter à mon tour dans le canot, dès que je saurais que la jambe de Tom était arrangée, et à laisser à M. Thompson le soin de rassurer tout le monde. De cette manière, nous pourrions filer avec le radeau, et, en somme, il n’y aurait qu’une demi-journée de perdue. Comme je venais de passer une nuit blanche, ou peu s’en faut, je ne tardai pas à m’endormir. Lorsque je rouvris les yeux, je reconnus qu’il était plus de midi. Je me levai aussitôt et je courus chez le docteur. Il n’était pas rentré. La faim me talonnait ; mais je ne songeais qu’à Tom, et me voilà reparti. En tournant le coin d’une rue, je faillis renverser l’oncle Silas.

— Ah çà ! où cours-tu ainsi ? D’où viens-tu, méchant gamin ?

— Je me promène.