Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/277

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Au bout de deux jours, j’appris que Tom allait de mieux en mieux. Il avait dormi toute la nuit ; le médecin déclarait que la fièvre avait presque disparu, et on me permit de voir le malade. Il dormait encore quand je me glissai dans le parloir. Tante Sally était là ; elle me fit signe de m’asseoir et posa un doigt sur ses lèvres.

— Vous devriez vous reposer, tante Sally, lui dis-je à voix basse ; je ne le réveillerai pas.

Au même instant Tom se réveilla tout seul.

— Est-ce que je rêve ? demanda-t-il en regardant autour de lui d’un air surpris. Non, me voilà à la maison. Comment cela se fait-il ? Où est le radeau ? Où est Jim ?

— Sois tranquille, il est en sûreté, répliquai-je.

— À la bonne heure ! Tu as tout raconté à tante Sally ?

— Tout quoi ? demanda tante Sally.

— Mais l’histoire de l’évasion de Jim. C’est nous qui l’avons délivré.

— Vous ? Voilà sa tête qui déménage encore !

— Non, tante Sally, elle ne déménage pas. C’est nous qui avons eu l’idée de mettre le prisonnier en liberté. L’affaire a été bien menée. Ça nous a coûté de la besogne, des semaines de besogne. Tu n’as pas idée du travail qu’il a fallu pour graver ces inscriptions, creuser le tunnel et fabriquer avec ton drap de lit la corde à nœuds, que Jim a reçue dans un pâté. Il ne voulait ni des rats, ni des araignées, ni des serpents à sonnettes ; mais j’ai insisté, parce qu’il y en a toujours dans les livres.

Tante Sally n’y comprenait rien ; elle écoutait, les yeux écarquillés, convaincue que le malade délirait ; mais son inquiétude fit place à la colère lorsque Tom, après avoir fourni d’autres explications qui n’étaient claires que pour moi, continua :

— Sans mes lettres anonymes, il n’y aurait pas eu de coups de fusil. C’est un peu votre faute, ma tante, s’ils sont partis trop tôt. Vous avez fait perdre près d’une heure le soir de l’évasion, et quand nous avons emmené Jim par le tunnel, nous n’avions plus assez d’avance.