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IV
la fuite.


Mon père, bien soigné à l’hôpital, se rétablit plus tôt qu’on ne pouvait s’y attendre. À peine debout, il poursuivit M. Thatcher devant les tribunaux afin de se faire remettre mes six mille dollars. Il me poursuivit d’une autre façon parce que je m’obstinais à me rendre à l’école. Deux fois il parvint à m’attraper, et je n’en fus pas quitte à bon marché. Cela ne m’empêcha pas de me montrer si assidu que le maître m’adressa des félicitations.

Le procès semblait devoir durer longtemps, ou plutôt il semblait ne devoir jamais commencer. Je soupçonne l’homme de loi de mon père de s’être entendu avec M. Thatcher pour laisser les choses traîner en longueur. En tout cas, son client se procurait d’une manière ou d’une autre assez d’argent pour se griser ; alors il troublait le repos de la ville ; on le réintégrait dans la geôle et, à la sortie, personne n’offrait de le convertir.

Enfin, après avoir surveillé pendant un mois les abords de l’école sans parvenir à mettre la main sur moi, il commença à rôder autour de la maison de Mme Douglas. La veuve le prévint qu’elle le signalerait à l’attention de la police s’il continuait à l’inquiéter.

— Ah ! ah ! s’écria-t-il ; vous voudriez me faire passer pour un malfaiteur. Il ne manquait plus que cela ! Je vous montrerai, à vous et à M. Thatcher, que je suis le tuteur naturel de mon fils. Mon avocat vous le prouvera aussi.

— C’est là une question qui regarde les tribunaux, répliqua la veuve.

— Je me moque de vos tribunaux. J’en ai assez ! J’ai un domicile légal ; je possède une maison à moi. Vous ne vous en doutiez pas,