Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/73

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tuai si bien, qu’il me sembla que je pourrais regarder les gens en face sans trahir le moindre embarras.

Vers la tombée de la nuit, je partis dans le canot en longeant la côte de l’Illinois. Je traversai le fleuve un peu au-dessous de l’embarcadère du bac et le courant m’amena au bas de la ville. J’amarrai la barque dans une anse où j’avais souvent pêché, puis je gravis la berge. Une lumière brillait à la croisée d’une petite maison qui, lors de mon départ, se trouvait depuis longtemps sans locataire. Je m’approchai à pas de loup et, regardant par la fenêtre, j’aperçus une femme d’une quarantaine d’années qui tricotait à la lueur d’une chandelle. Je ne l’avais jamais rencontrée. C’était donc une étrangère, car je connaissais au moins de vue tous les habitants de Saint-Pétersbourg.

Le hasard me favorisait. En m’adressant à cette femme, je ne courais aucun risque, et, si court qu’eût été son séjour dans la petite ville elle pourrait sans doute m’apprendre ce que je voulais savoir. Aussi frappai-je sans hésiter à la porte, bien décidé à ne pas oublier que j’étais une fille.