Page:Les Aventures de Huck Finn.djvu/87

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— Bah ! un veilleur ! sur un steamer qui peut couler à fond d’une heure à l’autre ? Tu n’y songes pas.

Il n’y avait rien à répondre à cela ; aussi Jim s’abstint-il de répondre.

— Et puis, continuai-je, une épave abandonnée appartient à tout le monde. Nous trouverons peut-être dans la cabine quelque chose valant la peine d’être emporté. Mets une chandelle et des allumettes dans ta poche. Vois-tu, je ne dormirais pas tranquille si nous ne jetions pas un coup d’œil par là. Crois-tu que Tom Sawyer laisserait échapper une si belle occasion ? Quel dommage qu’il ne soit pas là !

Jim grommela un peu, mais il céda, à la condition que nous parlerions le moins possible et sans élever la voix. Un éclair nous montra de nouveau, juste à temps, le vapeur naufragé. Le radeau glissa à tribord, Jim l’amarra, et nous grimpâmes sans peine sur le pont qui penchait beaucoup. Nous suivîmes avec lenteur la pente dans la direction de l’entrée de la cabine, tâtant le terrain avec nos pieds, les mains étendues pour éviter les cordages.

Quelques pas de plus nous amenèrent en face de la porte qui était ouverte ; au loin, nous vîmes briller une lumière — une seconde après il m’arriva comme un bruit de voix.

— Vous ne voulez jamais m’écouter, Huck, me dit Jim à l’oreille. Il y a un veilleur, il y en a même plus d’un. Filons. Ils commenceraient par nous envoyer une balle, et alors il serait peut-être trop tard pour s’expliquer.

— Tu as raison, Jim, répliquai-je.

Au moment où je me disposais à le suivre, j’entendis une voix qui disait :

— Au nom du ciel, épargnez-moi ! Je jure de garder le secret. Une autre voix, beaucoup plus distincte, répondit :

— Ce n’est pas la première fois que tu agis de la sorte. Tu veux toujours plus que ta part du butin et tu l’as toujours eue, parce que tu menaçais de nous dénoncer. Cette fois nous te tenons.