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Page:Les Braves Gens.djvu/202

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LES BRAVES GENS.

qu’il était heureux de le voir dans les bons principes, qu’il ne saurait trop l’engager à orner sa mémoire et à ménager sa bourse. Il espérait bien surtout qu’il ne se laisserait pas gâter par les mœurs françaises. Il lui envoyait au surplus sa bénédiction avec un certain nombre de thalers, et la recommandation de les faire durer aussi longtemps que doivent durer des thalers honnêtement gagnés.

Un dimanche, Robillard avait dîné rue du Heaume, M. Schirmer était un des convives. Après le dîner, les deux collégiens, laissant M. Defert et M. Schirmer plongés dans une discussion sur les matières premières et le drawback, s’en allèrent, bras dessus, bras dessous, faire un tour de jardin.

« Ouf ! dit Robillard.

— Qu’est-ce que tu as ? demanda Jean avec inquiétude.

— Oh ! que c’est lourd sur l’estomac !

— Quoi ?

— Le Schirmer donc ! Allons, ne va pas faire l’étonné. Avoue qu’au fond tu en es aussi excédé que moi ; plus même, puisque tu en as joui plus longtemps.

— Qu’est-ce que tu as à dire contre lui ?

— Moi ? rien ! seulement te rappelles-tu Margeval ? Non ; il avait fini sa philosophie quand tu es entré au collège. Si tu savais quelle tête angélique il avait : tu sais du moins quel mauvais drôle il est devenu depuis.

— Sans doute, eh bien ?

— Eh bien ! c’est tout à fait cette tête-là, et tout à fait ces manières-là. Je puis me tromper, mais je n’augure rien de bon de notre excellent ami Schirmer.

— Tu as tort, reprit Jean, de juger et de condamner un homme à première vue.

— Margeval ! dit l’autre avec un grand sang-froid.

— Mon père et ma mère l’estiment.

— Margeval !

— Il est plein d’attachement pour nous.

— Il le prétend, mais quelle preuve en avez-vous ? Margeval ! te dis-je.

— Oui, Margeval, voilà un beau raisonnement. Dis tout de suite « Tarte à la crème », c’est aussi concluant. En tous cas, ne répète pas à d’autres ce que tu viens de me dire.

— Parce que ?