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LES BRAVES GENS.

Heureusement, Jean, que l’on n’avait pas mis dans le secret, découvrit par hasard le complot. Il désapprouva l’idée et parla à Camille Loret. « Il croira que j’ai peur de lui et que je vous mets en avant pour l’intimider. » Camille se rendit à ses raisons, mais comme compensation il se donna le passe-temps d’appeler le bretteur Croquemitaine plus de vingt fois par jour.

Le régiment partit bientôt. Le mouvement du départ et l’excitation causée par l’attente de la lutte prochaine firent oublier bien vite toutes les histoires de garnison. Au milieu des marches et des contremarches se développait dans le régiment un esprit nouveau. Les soldats étaient plus gais, plus attachés à leur devoir : l’approche du danger produit cet effet sur le caractère français. Les lettres de Jean se ressentaient de ces dispositions, elles étaient pleines d’entrain et d’espoir. « C’est un vrai troupier, disait de son côté Léon Loret dans une de ses lettres. Nous craignions pour lui les fatigues de la marche et du campement. Il s’y est fait tout de suite, et après les plus longues étapes, il est le premier à allumer le feu et à faire le café pour les autres. Dites tout cela au capitaine Salmon, cela lui fera plaisir. »

Jean avait prié ses amis de ne rien dire dans leurs lettres de son affaire avec Bouilleron ; son secret fut bien gardé non-seulement par les Loret, mais encore par d’autres Châtillonnais qu’il connaissait à peine en entrant au régiment et qui tous devinrent ses amis. Ces jeunes gens appelaient, pour plaisanter, leur régiment le régiment de Châtillon.