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Page:Les Braves Gens.djvu/283

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LES BRAVES GENS.

ment dans une armoire, dont il mit la clef dans sa poche Mais il n’eut pas l’air de voir qu’il y avait là quelqu’un. Mme Defert, qui ne songeait qu’au but de son voyage, et qui s’était armée de patience, lui répéta tranquillement qu’elle demandait le capitaine.

« Pas ici.

— Où est-il ?

— Sais pas.

— Est-ce vous qui le remplacez ? »

Il ne daigna pas même répondre, tendit négligemment la main, happa du bout des doigts le papier que lui tendait Mme Defert, et l’amena sous ses yeux par un geste arrondi.

« Où allez-vous ?

— À Vendôme.

— Pourquoi faire ?

— Pour y chercher le corps de mon fils, qui a été tué aux environs. » Sa voix tremblait.

« Moblot ? » demanda du bout des lèvres le monsieur parfumé.

Mme Defert rougit.

« Moblot ou non, je vais chercher son corps. Puis-je continuer ma route ? Puis-je demander des renseignements aux prisonniers qui sont ici ? »

En ce moment le sous-officier qui avait arrêté Mme Defert entra, fit quelques pas avec roideur et, la main au béret, parla en allemand au monsieur musqué. « Oh ! oh ! madame, s’écria celui-ci, il paraît que vous espionnez, madame ! il paraît que vous ameutez les prisonniers, madame ! » Et il souriait à ses bagues.

« J’attends, dit froidement Mme Defert.

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

— Où est le corps de mon enfant. » Puis se raccrochant pour la centième fois peut-être à une espérance qu’elle savait dénuée de tout fondement, elle oublia l’insolence du jeune Allemand, et lui demanda s’il n’aurait pas la liste des combattants faits prisonniers aux environs de Vendôme.

« Officier ? dit indolemment le beau jeune homme.

— Lieutenant, » répondit la pauvre mère.

Alors l’autre se mettant, avec la petite cuiller, de la sciure de bois sur le dos de la main gauche : « Savez-vous ? savez-vous ? dit-il en ricanant : voilà l’armée française ! (et il montrait la sciure de bois). Arrive l’armée allemande « phu ! phu » ! et soufflant violemment, il fit