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LES BRAVES GENS.

« Dieu merci ! il y a du choix », dit-il enfin, en allongeant la tête, pour être bien sûr qu’il n’avait oublié personne.

À mesure qu’il citait un nom, Mme  Defert secouait la tête en riant, et l’exhortait à chercher mieux.

« Es-tu bien sûre, mon enfant, que l’homme dont tu parles est ici ?

— Il y est.

— Alors, aide-moi, ou je jette ma langue aux chiens.

— L’homme dont je parle est brave…

— Tous les hommes sont braves ; si c’est comme cela que tu prétends me guider !

— Vous savez aussi bien que moi, mon oncle, que tous les hommes ne sont pas braves. Celui dont je parle est si généreux, qu’il s’oublie toujours lui-même pour ne songer qu’aux autres. Il n’est pas riche, et il fait plus de bien que les riches.

— Ma chère, si Loret ou Aubry étaient ici, je croirais que tu me parles d’eux.

— Ces messieurs n’étant pas ici, il vous en faut chercher un autre. Mon héros est si chevaleresque qu’il risquerait sa vie pour défendre une femme ou un enfant. Y êtes-vous ?

— J’en suis à cent lieues.

— Cet homme-là croit sincèrement à toutes les choses saintes qu’il est de bon ton de bafouer et de persifler aujourd’hui. Enfin, pour ne pas le nommer, il s’appelle Jean Salmon. Oh ! ne secouez pas la tête : mon vœu le plus sincère est que mon garçon vous ressemble un jour. »

L’oncle Jean voulut protester, mais il était si ému qu’il prononçait des mots sans suite.

« Mon oncle, reprit Mme  Defert, si j’avais été un homme, j’aurais voulu être comme vous. Ne dites pas non, parce que c’est la vérité. Vous êtes le parrain de mon cher enfant, plaise à Dieu que vous soyez son modèle ! »

Et avant que l’oncle Jean pût se douter de ce qui allait arriver, Mme  Defert lui prit la main, et se penchant vivement, la porta à ses lèvres.

« Chut ! lui dit-elle, tout cela est entre nous.

— Tu veux donc me donner de l’orgueil ? Au moins, dis-moi de me faire mettre en pièces pour toi ? N’importe ! tu es une fière petite femme, et c’est à toi que ton fils doit ressembler pour devenir ce que tu veux qu’il soit. Quant à moi, tout ce que je pourrai faire, ce sera