Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/103

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hommes à qui l’on baillera tous les jours un escu ou deux pour gages, de sorte que devant que l’argent soit à l’armée, on trouvera, si on veut bien conter, qu’il couste quinze ou seize mil escus à le mener. Et cela se fait tous les mois. Encor si ceux qui conduisent les chariots se contentoient de cela ; mais par où ils passent, ils ruynent et gastent tout (je ne dis pas qu’il ne faille accompagner l’argent qu’on envoye à Sa Majesté par un bon nombre de soldats ; mais il y a moyen de les treuver à meilleur marché).

— J’entendois l’autre jour chez M. le prince qu’il s’en plaignoit grandement (dit une fille de chambre). — Aussi y a-il de l’interest, respondit sa sœur : car il est un peu avaricieux ; il a bien pris son temps : voicy une belle occasion, où il se garnira comme il faut. Quant je pense à ses liberalitez, je ne peux me tenir de rire. Il me souvient que j’estois un jour à la messe aux Enfans-Rouges, où de fortune il arriva. Comme il entendoit chanter un Salve, il demanda à celuy qui chantoit combien il prenoit. — Dix-huict deniers, Monsieur, luy respondit-il, car il ne le cognoissoit pas, tant son train est grand. — Tiens, dit-il, chantes-en un pour moy, je te donne trois sols. N’estoit-ce pas se mettre en frais ?

— C’est à faire à M. de Soubize (dit une autre qui estoit freschement revenuë de Poictou) de se mettre en frais ; il y entre jusques aux reins, et