Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/65

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aux autres ? — Je vous asseure, Madamoiselle, que je ne m’estonne nullement de vos discours : car, ce qui est cause en partie de ce desordre, je recognois que ce sont les bombances d’aucuns ; car moy qui suis marchande, je le cognois à la vente. Il est aujourd’huy venu à nostre boutique un nombre de bourgeoises, conduisant une fiancée pour achepter des estoffes, le fiancé present, qui menoit la fiancée par dessous le bras ; et comme je leur ay demandé quelles estoffes ils vouloyent, ils se regardoyent l’un l’autre, et se disoient : Parlez, Madame. — Moy, je m’en rapporte aux parens les plus proches. — Et comme je ne pouvois avoir raison d’aucun d’eux de le dire, je demande quel estat avoit le fiancé. Une bonne vieille respond : Il est d’un grand estat ; il est tresorier et receveur, et payeur des gages des conseillers et juges presidiaux de Montfort9. — Tresorier, ce dis-je alors, il faut doncques des plus belles estoffes. Incontinent je desploye un velours à la turque10, un satin à fleurs, un velours à ramage, un damas meslé et autres grandes estof-


9. Les trésoriers étoient accusés de s’enrichir comme les autres gens de finance. Dans le Mot à l’oreille de M. le marquis de la Vieuville (Recueil A–Z, F, p. 178), il est dit que ceux de l’extraordinaire et ceux de l’épargne font seuls les profits.

10. Les étoffes à la Turque étoient alors les plus recherchées ; on alloit jusqu’à faire venir des ouvriers de Turquie pour les confectionner à Paris, et pour en faire des robes.