Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/80

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si je croy qu’il nous y faudra accoustumer, si la chair est tousjours si chère.

— Sainct Gry ! j’avois accoustumé par sepmaine de ne despendre à la boucherie que quatre livres dix sols ; maintenant je donne à nostre chambrière cent sols, et si nous mourons de faim. Il faudra doresnavant manger le potage le matin, et la chair le soir, pour observer l’ordonnance de Philippe le Bel31.

— Je voy bien que Madamoiselle, qui n’est pas de ceste ville, se rit de nostre petitesse ; mais que voulez-vous ? chacun selon ses moyens. — Et la damoiselle respond : Madame, chacun se sent de cherté et du peu de proffit qui se fait à présent aux offices, pour le trop grand nombre d’officiers qu’il y a. Et n’estoit qu’en nostre chambre des comptes de Normandie, d’où je suis, les officiers s’allient avec les comptables, et meslent leur gain ensemblement, nous ne pourrions, non plus que vous à Paris, entretenir nostre gran-



31. C’est de l’ordonnance de 1294 qu’il est question ici. On la trouve en entier dans les notes de la Thaumassière sur les Coutumes de Beauvoisis, 1690, in-fol., p. 372. Il y est dit : « Nul ne donra au grand mangier que deux mets et un potage au lard, et au petit mangier un mets et un entremets et un potage ; et s’il est jeûne, il pourra donner deux potages aux harencs et deux mets, ou trois mets et un potage, et ne mettra en une écuelle qu’une manière de chair. »