Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/149

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Aussi, comme il est naturel à ceux qui commettent les plus grosses erreurs, nous transformons ce qui de sa nature est l’assurance en témérité, en désespoir, en effronterie, en impudence ; et ce qui de sa nature est la prudence en une lâcheté et en une bassesse de cœur, toutes pleines de terreurs et de troubles. Car, si nos précautions s’appliquent à notre faculté de juger et de vouloir, et à ses actes, aussitôt que nous avons la résolution de nous tenir sur nos gardes, nous avons en nous la puissance d’éviter le mal ; mais, si nos précautions s’appliquent aux choses qui ne dépendent pas de nous et ne relèvent point de notre arbitre, si nous cherchons à éviter ce qui est en la puissance d’autrui, nous voici condamnés aux terreurs, aux bouleversements, aux troubles de toute sorte. Car ce n’est pas la mort et la douleur que nous devons craindre, mais la crainte même de la douleur et de la mort. Aussi approuvons-nous celui qui a dit : « Le mal n’est pas de mourir, mais de mourir honteusement. »

C’est donc contre la mort que nous devrions être pleins d’assurance, et c’est contre la crainte de la mort que nous devrions nous tenir en garde. Eh bien ! au contraire, c’est la mort que nous cherchons à éviter ; mais à l’égard de l’opinion que nous nous faisons d’elle, il n’y a en nous qu’incurie, laisser-aller, et indifférence. La mort, la douleur, voilà ce que Socrate (et il avait raison de le faire) nommait des masques dont on s’effraie. Les enfants, en effet, s’effraient et s’épouvantent d’un masque, grâce à leur ignorance ; et nous, à notre tour, nous tremblons devant les objets pour la