Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/190

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neaux, qui sont le plus grand nombre, quand ils se trouvent en pareille conjoncture, embrouillent les autres et s’embrouillent eux-mêmes, et finalement en arrivent à échanger des injures, avant de se retirer.

Le premier et le plus singulier mérite de Socrate était de ne jamais s’emporter dans la discussion, de ne jamais proférer une parole outrageante ou injurieuse, mais de laisser dire ceux qui l’insultaient, et de couper court aux disputes. Si vous voulez connaître toute sa force en ce genre, lisez le Banquet de Xénophon, et vous verrez à quelles disputes il sut mettre fin. Aussi chez les poètes eux-mêmes est-ce avec raison un grand éloge que ce mot :

« Il sut faire cesser en un instant la dispute, si vive qu’elle fût. »

Disons tout ! De telles interrogations aujourd’hui ne seraient pas sans péril, et surtout à Rome. Celui qui les fera, en effet, ne devra évidemment pas les faire dans un coin ; il devra aborder un personnage consulaire, si l’occasion s’en présente, ou bien un richard, et lui poser cette question : « Peux-tu me dire à qui tu as confié tes chevaux ? — Moi ! — Au premier venu, sans connaissance de l’équitation ? — Nullement. — Eh bien ! à qui as-tu confié ton argent, ton or, tes vêtements ? — Je ne les ai pas non plus confiés au premier venu. — Et ton corps, as-tu bien examiné à qui tu en confierais le soin ? — Comment non ? — Évidemment encore à quelqu’un qui se connût aux exercices du gymnase et à la médecine ? — Parfaitement. — Est-ce donc là ce que tu as de meilleur ? Ou n’as-tu pas