Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/209

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C’est comme cela que naissent les drames, quand les moindres accidents arrivent aux imbéciles !

— Quand donc reverrai-je Athènes et l’Acropole ? — Malheureux, ne te suffit-il pas de ce que tu vois chaque jour ? Peux-tu voir quelque chose de plus beau, de plus grand que le soleil, la lune, les astres, et la terre, et la mer ? Si tu comprends la pensée de celui qui gouverne l’univers, si tu le portes partout en toi-même, peux-tu regretter encore quelques cailloux et la beauté d’une roche ? Que feras-tu donc, quand il te faudra quitter le soleil et la lune ? T’assiéras-tu à pleurer, comme les enfants ?

Que faisais-tu donc à l’école ? Qu’est-ce que tu y entendais ? Qu’est-ce que tu y apprenais ? Pourquoi te dis-tu philosophe, quand tu pourrais dire ce qui est : « J’ai écrit des introductions ; j’ai lu les ouvrages de Chrysippe ; mais sans franchir le seuil de la philosophie. Qu’ai-je, en effet, de ce qu’avait Socrate, qui a vécu et qui est mort comme vous le savez ? Qu’ai-je de ce qu’avait Diogène ? » Crois-tu donc, en effet, que l’un des deux pleurât ou s’emportât, parce qu’il ne devait plus voir un tel ou une telle, être à Athènes ou à Corinthe, mais, si le sort le voulait, à Suzes ou à Ecbatane ? Celui qui peut, lorsqu’il le voudra, se retirer du festin et cesser de jouer, peut-il être triste pendant qu’il y reste ? Ne reste-t-il pas au jeu seulement le temps qui lui plaît ? C’est bien un homme tel que toi qui saurait supporter un exil éternel ou une condamnation à mort !

Ne veux-tu pas, comme les enfants, cesser enfin de téter, et prendre une nourriture plus forte, sans