« Non pas, dis-tu; mais, si quelqu’un te bat, crie devant tout le monde: ô César, voilà comment on me traite, pendant la paix que tu as établie! Allons au proconsul. » — Mais quel est le César, quel est le proconsul du Cynique, si ce n’est celui qui l’a envoyé, celui dont il est le serviteur, Jupiter lui-même? En appelle-t-il à un autre que ce Dieu? N’est-il pas convaincu, quoiqu’il lui arrive de tout cela, que c’est Jupiter qui l’exerce? Hercule, quand Eurystée l’exerçait ainsi, ne se tenait pas pour malheureux, et s’empressait d’exécuter tout ce qui lui était ordonné. Et cet homme, que Jupiter éprouve et exerce, pourrait crier et s’indigner! Comme il serait bien digne de porter le sceptre de Diogène! Ecoute ce que ce dernier, tout enfiévré, dit aux passants: « Méchants individus, leur criait-il, ne resterez-vous pas là? Pour voir mourir ou lutter des athlètes, vous vous en allez bien loin, jusqu’à Olympie; et vous ne voulez pas voir la lutte d’un homme contre la fièvre! » Et c’est un tel homme, n’est-ce pas, qui aurait reproché au Dieu qui l’avait envoyé, de le traiter injustement, lui qui tirait gloire des épreuves, et qui se jugeait digne d’être un spectacle pour les passants! De quoi se serait-il plaint, en effet? De la dignité qu’il conservait? Quel grief aurait-il fait valoir? L’éclat plus grand que recevait sa vertu? Aussi, que dit-il de la pauvreté? de la mort? du travail? Comme il met en parallèle son bonheur et celui du grand roi! Ou plutôt, comme il ne croit pas que le parallèle soit possible! Car là où sont des troubles, des peines, des frayeurs, des désirs non satisfaits, d’inutiles efforts pour échapper au mal, des haines, des jalou-
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