Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/424

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sements et des larmes: « Malheureux que je suis! me voici misérablement ici, quand je pourrais être dans le Lycée, à me chauffer au soleil! » — « Était-ce donc ton rôle, de te chauffer au soleil? (lui eût-on pu dire.) Ton rôle n’est-il pas d’être heureux? N’est-il pas de t’élever au-dessus de toute entrave et de tout empêchement? » Comment aurait-il encore été Socrate, s’il eût pleuré ainsi? Comment aurait-il écrit des hymnes dans sa prison?

En un mot, rappelle-toi ceci: quelle que soit la chose à laquelle tu attaches du prix, hors de la portée de ton libre arbitre, tu annihiles ton libre arbitre. Or, il n’y a pas que les magistratures qui soient hors de sa portée: la condition privée l’est aussi; il n’y a pas que les affaires qui le soient: les loisirs aussi le sont. — « Quoi! me faut-il vivre au milieu de ce tumulte! » — Qu’appelles-tu tumulte? Ce grand nombre d’hommes? Eh! qu’y a-t-il là de fâcheux? Suppose que tu es à Olympie, et donne à cette foule le nom d’assemblée. Là aussi tel homme pousse tel cri, tel autre fait telle autre chose, et ce troisième est bousculé par un autre individu. Dans les bains il y a foule; or, quel est celui de nous qui n’y aime pas ce concours de monde, et qui en sort de mécontentement? Ne sois pas si difficile; n’aie pas des paroles de fiel pour tout ce qui arrive. « Le vinaigre, dis-tu, me déplaît parce qu’il est piquant; le miel me déplaît, parce qu’il dérange ma santé; quant aux légumes, je n’en veux pas. De même, je ne veux pas des loisirs, parce que c’est la solitude; et je ne veux pas de la foule, parce que ce n’est que tumulte. » Eh bien! au contraire, si les circons tances veulent que tu vives seul ou en compagnie