Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/437

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et, quoique les mêmes te servent plusieurs fois, tâcher, s’il est possible, qu’on ne les reconnaisse pas pour les mêmes; il te faudra des habits somptueux avec tout le reste de l’étalage; il te faudra paraître distingué par les grands personnages, essayer de dîner chez eux, ou du moins de faire croire que tu y dînes; et recourir pour ton corps à des moyens honteux, afin qu’il paraisse mieux fait et de plus belle venue qu’il n’est.

Voilà ce qu’il te faudra faire, si tu veux suivre la seconde route pour arriver à n’être plus un objet de pitié. Quant à la première, elle est bien longue et n’aboutit à rien. Entreprendre ce que Jupiter lui-même n’a pu faire, essayer de convaincre tous les hommes de ce que sont les vrais biens et les vrais maux! Est-ce que ce pouvoir t’a été donné? Le seul qui t’ait été donné, c’est de t’en convaincre toi-même. Et, quand tu n’en es pas encore convaincu, tu essaierais aujourd’hui d’en convaincre les autres! Est-il un homme qui soit avec toi aussi constamment que toi-même? Qui ait pour te persuader autant de moyens que toi-même? Qui ait pour toi plus de bienveillance, et qui te touche de plus près que toi-même? Comment donc ne t’es-tu pas encore persuadé à toi-même d’acquérir cette science du bien et du mal? N’est-ce pas tout prendre à rebours que de faire ce que tu fais? A quoi as-tu travaillé? Qu’as-tu essayé d’apprendre? A t’élever au-dessus des chagrins, des troubles, des humiliations; à te faire libre. Or, ne t’a-t-on pas enseigné qu’il n’y a qu’une voie qui y conduise, renoncer à toutes les choses qui ne dépendent pas de notre libre arbitre, nous en détacher, reconnaître qu’elles nous sont étran-