Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/438

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gères? Eh bien! l’opinion d’un autre sur toi, dans quelle classe de choses rentre-t-elle? — Dans celles qui ne dépendent pas de mon libre arbitre. — Elle ne t’est de rien alors? — De rien. — aussi longtemps donc que tu t’en inquiètes et que tu t’en troubles, peux-tu te croire suffisamment convaincu des vrais biens et des vrais maux?

Ne voudras-tu pas laisser là les autres hommes, et être à toi-même ton disciple et ton maître? Tu devrais dire: « Les autres verront s’il leur est utile de vivre et d’agir contrairement à la nature; pour moi, je n’ai personne qui me tienne de plus près que moi-même. Or, comment se fait-il que j’aie écouté les leçons des philosophes, que je partage leurs idées, et que dans la vie cependant je ne m’en sente pas allégé? Ma nature serait-elle si ingrate? Pourtant, dans toutes les autres choses que j’ai entreprises, on ne l’a pas trouvée trop ingrate. J’ai très-vite appris les lettres, la lutte, la géométrie, l’analyse des syllogismes. Serait-ce que leurs raisons ne m’ont pas convaincu? Mais il n’en est pas qui m’aient jamais paru aussi bonnes depuis le premier mot, et que j’aie autant adoptées. De plus, c’est à elles aujourd’hui que se rapporte tout ce que je lis, tout ce que j’entends, tout ce que j’écris; et nous n’avons pas jusqu’ici trouvé de raisons qui me parussent plus fortes. Que me reste t-il donc à faire? N’ai-je pas détruit en moi les opinions contraires? Ou bien sont-ce là des principes qui restent en moi, sans que je les applique, sans que, d’habitude, je les mette en pratique, comme des armes que j’aurais déposées quelque part, que je laisserais s’y rouiller,