Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

demander au philosophe; mais tu ne saurais t’y tenir, et tu brouilles tout, faute de réflexion.

Malheureusement, ceux qui ont ce titre de philosophes, en cherchent eux-mêmes la justification dans les choses vulgaires. Dès qu’ils ont pris le vieux manteau et laissé pousser leur barbe, les voilà qui disent: « Je suis philosophe! » Personne pourtant ne dira: « Je suis musicien, » parce qu’il aura acheté un archet et une harpe; ni « Je suis forgeron, » parce qu’il en aura pris le bonnet et le tablier. On prend un costume en rapport avec sa profession, mais c’est de sa profession, et non de son costume, que l’on tire son nom. C’est pour cela qu’Euphrates disait avec raison: « J’ai cherché pendant bien longtemps à dissimuler que j’étais philosophe; et cela me servait. D’abord je savais que tout ce que je faisais de bien, je ne le faisais pas pour les spectateurs, mais pour moi-même: c’était pour moi-même que j’étais convenable à table, que j’étais réservé dans mes regards et dans ma démarche. C’était pour moi et pour Dieu que je faisais tout. Puis, comme j’étais seul engagé dans la lutte, j’étais aussi seul en péril: si j’avais fait quelque action honteuse ou inconvenante, la philosophie n’en aurait pas été compromise; et mes fautes, n’étant pas celles d’un philosophe, n’auraient pas fait de tort à tous les autres. Aussi, ceux qui ne connaissaient pas ma pensée, s’étonnaient que, fréquentant tous les philosophes et vivant avec eux, je ne fusse pas moi-même philosophe. Et quel mal y avait-il à ce qu’on me reconnût philosophe à mes actes, mais non à mon extérieur? Vois-moi manger, boire,