Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/101

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UM- l’KMMi : A LA MOUi :. 5 !)

Celle puissance est comme les iiulres, enviée, disputée, attaquée eliaipie jour, car la réptilalioii el le pouvoir d une l’einiiie à la mode soûl, roinmc la lépnlalion el li’ pouvoir d’uu lioinme d étal, à tout momeiil remis en (piesliou et en daii ;j ;er.

— Madame de Méiiiiville n’a-l-elle pas, l’année dernière, occupé les salons pendant toute une semaine par son imposante heaulé ? Ileureusenient elle était si peu spiiiluelle, qu’il la [ireinière réunion assez inliine pour permelire la eonversatioUj j’ai pu sans peine mettre en relief sa bêlise et détruire ainsi son empire, car nulle part on ne règne loui^temps sans esprit.

— La délicate ligure de lady Morton aurait bien pu eapliver aussi la capricieuse attention du monde, mais ses toilettes étaient si bizarres, que leur singularité approchait trop du mauvais goût ;ellesélaient crccH/r/r/Hcs, il est vrai, mais sans grâces ; la simplicité de ma |)arure auprès d’elle lit ressortir le ridicule de la sienne. Lu France on ne plaît (]u’un moment avec le mauvais goût.

— Quant il la brillante duchesse de Romillac, c était vraiment une redoutable rivale. Son rang, sa fortune, son éclat dans ce pays des vanités, auraient pu triompher. Ils occupèrent d’elle pendant un mois, mais elle eut l’imprudence de se compromettre avec le bel Edouard d’Arcy, et pour une femme a la mode qui doit mettre au nombre de ses armes les plus dangereuses des espérances adroitement exploitées dans l’intérêt de sa puissance, aimer réellement, c’est abdiquci .

— Mon pouvoir s’augmenta de tout l’éclat de mes rivales détrônées. Je croyais avoiiéchappé à tous les dangers, et, continua Emma avec une expression de tristesse et d’amertume, c’est elle ! c’est Alix de Verneuil, une femme de province, une parenle quej’accueille, que j’installe chez moi, quand après deux ans de veuvage elle veut visiter Paris ; — elle, moins jolie que moi pourtant, moins élégante, moius occupée surtout du soin de plaire, c’est elle qui fixe maintenant les regards de tous ! La belle comtesse retombe après ces mots dans un morne abattement. Pour la preuïière fois elle craint sérieusement de perdre sa puissance ; elle sent enfin qu’il peut arriver un moment où elle existera sans être la femme "a la mode. Jusque-la elle avait cru ce titre tellement identifié à sa personne, que la mort seule devait le lui ravir. N’être [)lus la première, est-ce que c’est vivre ? Car, depuis le jour où lùnma s’était emparée de cette faveur inexplicable, capricieuse, frivole et puissante en même temps, qui donne le sceptre de la mode, sa vie avait été changée ! Plus d’amitié !... Les femmes ne furent plus ’a ses yeux que des rivales ; le monde, qu’un théâtre où elle jouait constamment un rôle, et les plaisirs une occasion de se montrer ! Sa toilette ne fut plus ni le chaste vêtement de la femme modeste, ni la gracieuse parure d’une femme aimée, encore moins la négligence pleine de charme de celle qui s’oublie pour penser "a un autre ! Ce fut d’abord et à tout piix le luxe, la variété, la magoiticence el l’éclat ; puis des idées bizarres, des recherches piquantes pour ranimer constamment l’attention fugitive ; enfin toutes les facultés de sou intelligence, toutes les heures de sa journée furent consacrées a fixer cette insaisissable puissance, aussi impossible peut-être ’a définir qua couserver !

Qui pourrait dire en effet comment et pourquoi l’on devient une femme à la mode, quels sont les moyens, quel est le but ; est-ce avec l’éclat de la beauté, ce seul pou-