Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/133

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L MÈRE D’ACTRICE. «.j

toiil (T qu’elle peul pour tUr reiiKirqnOe des voisins et des voisines ; elle savoure avec délices les Iéninii ;na ;;es d’adniiiatiiin de Ions les bonliiiuiers qu’elle honore de sa pratique , et de tous les petits locataires ((ui demeurent au-dessus d’elle. Mais elle enrage de ne pas voir à son balcon la dauie du premier étage , qui est si fière de son mari , le receveur des contributions du sixième arrondissement , et qui n’a jamais daigné répondre a ses avances.

Au bois, la Saint-Hobert s’ennuie beaucoup, tjue lui lait tout ce monde d’élite «lu’elle ne connaît pas, au milieu duquel elle n’a jamais vécu ! Elle se sent mal à son aise en présence de ces grandes manières ariNtocratiques, de ces toilettes simplement élégantes et si noblement portées ! Elle a beau avoir un chapeau jaune ù panaches flottants, un châle indien à grandes palmes d’or , une robe rose lamée d’argent , elle a beau afficher un luxe de toilette éblouissant , luxe dont elle a été chercher lis éIément^ un peu fanés dans la vieille défnuiue de ville et de théAlre de sa fîlle, elle ne peut ressaisir son assurance habituelle ; elle comprend qu’elle n’est point à sa place. Oh ! qu’elle aimerait mieux promener son éclat de fraîche date ; Uelleville, dans la rue du (irand-Hurkur, dans la rue des Enfants-Rouges, sur le boulevard de la (Jajiole, localités où elle a exercé les professions les plus humbles, oi’i l’on ne doit pas encore avoir perdu le souvenir de ses misères.

On rentre, on dine avec volupté ; car la Saint-Robert joint à toutes ses autres qualités un fond assez remarquable de gourmandise. On prend le café, le jwusse-café , les trois petits verres obligés de liqueurs des iles (tout ce qu’il y a de plus fort) ; enfin on se rend au théiUre pour le spectacle du soir.

La Saint-Robert, qui a la tète un peu montée, est encore plus insupportable que le matin, .ssise dans un coin de la loge de sa fille, elle surveille sa toilette ; elle ne laisse pas un moment de repos à la femme de chambre et à l’habilleuse ; elle les harcèle sans cesse, elle leur cherche querelle ; brùle-pourpoint : tantôt c’est une manche ((ui va mal : tantôt c’est la jupe qui est trop relevée ; tantôt c’est la coiffure (pii est trop basse ; tantôt c’est le rouge qui est mal mis. Heureusement qu’on a pris depuis longtemps l’habitude de la laisser grommeler toute seule dans son coin, et de ne pas plus faire attention A elle que si elle n’existait pas.

Drelin... drelin... drelindindin : c’est la sonnette du sou.s-régisseur. Il crie du bas de l’escalier :

« Étes-vous prêtes , mesdames ? »

La Saint-Robert se précipite vers l’escalier, et répond d’une voix criarde, qui contraste assez drôlement avec la voix de Stentor du sous-régisseur : « Pas encore, ma fille n’est pas prête. C’est bon pour celles qui n’ont rien à se mettre sur le dos d’être prêtes au bout d’une heure. A-t-on jamais vu presser le monde comme ça ! »

Enfin Aurélie descend. La Saint-Robert la suit , prend une chaise dans le foyer, et va, malgré la défense de l’administration, se placer, pour bien saisir l’effet de la pièce, dans une coulisse d’avant-scène. Là, elle trouve déjà installées trois ou quatre commères, et entre autres la Saint-.luUien. Le régisseur découvre ce nid de vieilles femmes et les force ; déguerpir : elles en sont quittes pour transporter leurs pénates de l’autre