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118 LA FIGURANTE.

tuiimutle, daido sur lui il .iiiimireuses œillades, et liiiil par inellre eu jeu loule I arlillcrie des séductions.

(( Ne me refusez pas , grauJ homme , s’écrie-t-elle avec des larmes dans la voi.t ; j’en mourrais, d’abord. Chaque jour que Dieu amène , vous sacrifiez tout plein de belles choses a des mijaurées qui ne me valent pas. Tenez , je serai tout ce qu’il vous plaira. Commandez : c’est vous qui êtes le maître, moi, l’esclave. Voulez-vous une bacchante ;’ Me voilà. Est-ce un vampire que vous désirez ? Je suis prête. Si par hasard c’est une grande dame qu’il vous faut, voyez comme je remue l’éventail. Croyez-moi, les griseltes et les impératrices ne me sont pas moins familières. Allons ! dites que vous finirez par me faire un petit rôle de rien du tout. » Le dragon du jardin des Hespérides était plus facile a séduire qu’un auteur h succès. Dès longtemps blasé sur ces sortes d’émotions, le grand homme donne une petite tape sur la joue de la suppliante, et s’éloigne en disant : « Eh , mais , divine ! je ne dis pas non , mais je ne dis pas oui non plus : nous verrons ça. «  Or, cette parole d’indifférence, la figurante la ramasse comme une pierre précieuse qu’on aurait par mégarde laissée tombera ses pieds. C’est une promesse qu’elle réchauffe dans son sein comme une trompeuse espérance.

C’est qu’elle comprend combien il est avantageux de ne pas être confondue dans la foule et de paraître au premier plan. D’ailleurs, a mesure qu’elle avance en âge, l’incertitude de sa vie l’inquiète ; toute son ambition serait d’avoir au moins quelques jolis costumes à mettre , et assez de paroles pour être remarquée des loges d’avantscène ; c’est la , en effet , que se tiennent les vieux généraux de l’empire , les banquiers célibataires, les Llysses cosmopolites de l’hôtel des Princes, tous armés d’indiscrètes jumelles. Pour nous servir d’une expression consacrée dans le langage des coulisses , c’est en faisant bien l’œil de ce côté-la que la figurante parviendrait a retrouver toute l’existence dorée qu’elle a perdue après les beaux jours de sa jeunesse. Mais ce sont là autant de soupirs jetés dans les nuages. Auteurs et spectateurs , personne ne songe plus à elle.

C’est ici qu’il convient de laver la figurante d’un reproche injuste : on n’a pas craini de l’accuser d’ingratitude. La figurante ingrate ! la figurante mnitrais cœur ! Voilà l)ien notre siècle qui ne respecte rien ! « Aussitôt qu’un peu de boidieur vient luire pour elle, a-t-on dit, elle oublie ses parents, elle les méconnaît, elle les abandonne. Il C’est une calomnie, pour ne rien dire de plus. 11 est constant , au contraire, que le pauvre ange dépasse Antigone pour la piété filiale. Son père fait ses commissions , et elle le paie ; sa mère cire ses brodequins elle la paie ; elle porte ses billets en ville, elle la paie ; elle fait sentinelle autour de sa vertu , et elle la paie plus que jamais. Personne n’ignore que ce n’est pas là une charge gratuite. Tant que la fille est belle, il y a de bons profits à recueillir. Outre que ciiacune de ses courses est payée, la mère trouve conlinuellement à glaner dans le ménage. Elle reçoit de plus, comme une redevance naturelle, les gants fripés qu’elle saura bientôt remettre à neuf, les robes passées de mode qu elle rajustera, le vieux tulle quelle rafraîchira , les vieux rubans auquels elle rendra leur lustre , les vieilles l’antoufles dont elle fera de ravissantes babouches. El encore dans celte nomenclature