Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/190

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(.-,() LA GARDIi.

appris il «loimMor au pioiuicr coup d’œil les personnes (jui jouissent de queltjue in)porlancc dans le logis où elle vient d’entrer pour la première fois de sa vie : parmi les doiiiesliquos, eonniie parmi les maîtres, elle voit anssilôi quelle est celle ou celui ([u’elle doit s’attacher a gagner par la flatterie, ou par des complaisances dont le désir du bien-être l’a rendue prodigue. De même, grâce a celte mobilité d’existence qui la transporte sans cesse du faubourg Saint-Germain dans le Marais, et de la Oliaussée-d’Antin dans le faubourg Saint-Marceau, elle a ap|nis îi mesurer son ton, ses discours, et jusqu’à ses gestes, sur les degrés de l’échelle sociale que lui font parcourir ses nombreuses praliques ; elle devient tour à tour taciturne ou babillanle, imporlanle ou câline. res|)eclueuse ou familière, selon le rang, l’âge et la lorlune des personnes auxquelles elle donne ses soins ; et tel la verrait en fonctions dans des appartements situés h différents étages, qui aurait peine a la reconnaître pour la même personne.

Que madame Jacquemart ail ou non une famille, des enfants, peu importe, puisqu’elle ue pourrait jamais ni les aller voir, ni les recevoir chez elle. C’est tout au |dus si trois ou quatre fois par an elle passe quarante-huit heures de suite avec monsieur Jacquemart ; car madame Jacquemart es( soumise comme touleaulre femme au lien conjugal : devenue veuve, elle s’est même hàléc de se remarier, attendu que non-seulement elle désire trouver quelqu’un chez elle, lorsqu’un hasard fort rare l’y fait relourner pour quelques heures, mais aussi parce qu’elle ne veut confier qu’à une personne sûre le soin de tenir proprement sa chand !re et son cabinet, cl d’entretenir les meubles assez élégants que ces deux pièces renferment. Elle a donc choisi irois jours entre une fluxion de poitrine e( un rhumalisme aigu ((ui réclamaient ses soins, pour épouser monsieur Jacquemart, le(piel monsieur Jacquemart, garçon de bureau depuis trente-trois ans au ministère de l’intérieur, s’est établi dans le petit manoir, cl vieni Ions les huit jours à l’adresse qu’elle lui indique, lui apporter du linge, lui donner des nouvelles de sa ])etite chienne et de son serin, et recevoir le produit de ses journées ’, les profits du baplême,etc. ; somme qu’il est chargé de placer en renies sur l’état, et qu’elle lui donne toujours intacte, attendu qu’elle n’a janinis occasion de dépenser six liards. Ces entrevues, qui sont souvent interrompues par un coup de sonnelte, ne durent que dix minutes au plus. on( lieu dans l’antichambre, et ne permettent pas un mot superflu ; elles sont loin, comme on voit, de pouvoir amener un divorce par incompatibilité d’humeur.

Madame Jacquemart est naturellement privée de tous les plaisirs dont jouissent beaucoup de gens de sa classe. Les piomenades, les bals, les spectacles, sont choses dont elle se souvient d’avoir entendu parler dans sa grande jeunesse, mais dont l’entrée lui est interdite. Si le hasard lui accorde quelques moments de loisir, elle se

ar(lebien de les ])er(lre en courses inutiles ; elle va visiter ce qu’elle appelle ses femmes,

s’informer de leur étal, gourmander les paresseuses qui laissent passer l’année sans Li’s j(nirn( :es (l’unie garUe. 1^ nuit coiiiiti’isc, sont lialitltiflU-inciit payt-cs (> francs.