Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CIIANOINKSSE. 197

’•'«"’Ire (loniint’c, inélï’ie iloMMiir l’esclave d’un lioiume, paiTc que l’esclavage a ses prolils. Si pur liasanl une co<iuotle de quehjue inérilo se inoiilieclie/. la cliaiiohiesse, elle disparaît proniptement, même sans avoir besoin d’être écouduitc.Deux coquettes se devinent si bien, qu’il n’y a pas entre elles de liaison possible : l’une ne saurait duper l’autre ; et pour une coquette, il faut qu’une amie soit une dupe. Sons ce rapport la cbanoincsse a fort beureusenient renconiré : elle a une amie, f ’.elle amie est jeune ; elle pourrait même être belle.si ses traits réguliers étaient animés parla pensée. Mais jamais cet œil lerne n’a brillé d’amour ou deliaine ; jamais ce Iront lisse n’a été contracté par la passion ; jamais ces lèvres vermeilles ne se sont ou vertes que pour laisser écliapper d’insignifiantes paroles, ou uu sourire sans expression. Amélie est une de ces grandes adolescentes qui servent d’auxiliaires aux coquettes, sansjamais devenir des rivales. Aussi la clianoinesse s’en sert-elle à merveille. C’est avec Amélie qu’elle fait ses courses aventureuses ; c’est avec Amélie (ju’elle va au bal masqué ; c’est avec Amélie qu’elle va à la messe. Si elle fait circuler une médisance, c’est par la bouclie d’Amélie ; si elle veut risquer un propos glissant, c’est Amélie qui le débite avec toute l’innocence de Veit-Veri ; si elle médite une conquête, c’esi Amélie qui commence l’attaque. Ce que la chanoinesse pense, Amélie le dit ; ce qu’Amélie dit, la chanoinesse le fait. Il y a chez Amélie une si forte dose d’enfantillage, qu’elle folâtre toujours avec les positions les plus équivoques : elle écarte en riant les soupirants malheureux ; elle pousse avec naïveté le préféré dans le boudoir. Enfin, c’est Amélie qui est le grand ressort de toutes les intrigues, et, comme uu ressort machinal, elle suit sans conscience l’impulsion donnée.

A côté de l’amie figure, comme habitué constant et inamovible, un petit homme bruyant, empressé . affairé, qui, ’a chaque interpellation de la dame du logis , ne manque jamais de lui donner avec emphase le titre qu’elle a acheté, u Plaît-il, madame la comtesse ? Oui, madame la comtesse ; non, madame la comtesse ; oh ! madame la comtesse. » infatigable porte-voix de sa dignité, il semble avoir pour mission de rappeler sans cesse les hommagesque l’on doit "a la divinité du lieu. En le voyant bourdonner autour d’elle, affecter de lui parler à l’oreille, gronder les domestiques et faire avec tapage les honneurs du salon, vous demandezquel est ce personnage, et vous apprenez que c’est le porteur complaisant des lettres intimes, l’intermédiaire officieux des négociations mystérieuses, le secrétaire d’ambassade de la diplomatie canonicale.

En dépit des airs de grandeur que se donnent les parvenus, toujours quelque maladresse trahit le péché originel. Un marchanda beau acheter un château, un litre, des amis complaisants, des prôneurs empressés, au moment même où il se drape en prince, un faux mouvement met à nu ses infirmités natives. Le roibourgeois est toujours plus bourgeois que roi. L’étude constante de la chanoinesse est de combattre ses souvenirs, de triompher de son passé. Pour tout ce qui est de surface, elle y réussit assez bien ; mais il reste dans les replis du cœur quelques impressions qu’elle ne peut effacer ; il y a toujours sous son front quelque lobe cérébral qu’elle lient de son père. Le vice bourgeois de la chanoinesse, c’est de jouci’ "a la bourse. Tous les jours son agent de change vient secrètement s’enfermer avec elle, ei,