Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/292

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21-2 LA MAI TKliSSI’ Dli lAUl, !’ I) HUTE.

soin, passer pour son innri. — Homme de magnifique striictnre, orné d’un rii-lie collioi- (le lavoiis noirs , de brillants h plusieurs doigts, et d’une chaîne d’or où pend un lorgnon. Ce personnage est cliargé de faire, conjointement avec madame Martin. les honneurs de la maison ; son administration emhrasse deux dopartemenis, et son génie s’exerce tour à tour dans la salle ii manger et dans le salon. — Il découpe "a tahie et corrige au jeu, avec une égale dextérité, les torts de la lortune envers lui-même ou les personnes dont il épouse les intérêts.

Quant aux convives, ce sont, pour la plupart, de vieux garçons, rentiers de l’élat, anciens agenis de change, financiers retirés, fonctionnaires et généraux a la retraite. Les jeunes gens se montrent fort rarement dans ces sortes d’établissements, et n’y sont jamais accueillis avec l’empressement qu’on leur témoigne ailleurs. Pour être admis ici, l’àgc mûr est de rigueur. Au lesle, le dîner estexcellent, élégamment servi, et les vins ne laissent rien îi désirei’. Au dire de plus d’un connaisseur, le repas que vous venez de faire, et qui coule (1 fr. par lête, en vaut 10. Que devient dès lors la spéculation de l’iiitéressanle veuve ? Voici le mot de l’énigme. Après ledîncr, vous rentrez dans le salon, où des labiés de jeu ont été préparées. Vous prenez i)lace !i l’une d’elles, sur l’invilalioii de la maîtresse de maison... et vous perdez vingt-cinq louis en un quart d’heure. Si la chance est pour vous, malgié la prestigieuse habileté de mains de votre adversaire, la jolie voisine qui a paru prendre un si vif intérêt à vos succès vous demandera infailliblement, h la fin de la soiiée, une |)lace dans voire voilure, et vous ne tarderez pas ;i vous convaincre que vous en avez une autre dans son cœur.

Maintenant, si vous voulez m’en croire, nous laisserons là ces maisons modèles, cl nous irons visitera leur tour les établissements fréquenlés par la bourgeoisie des coiisomnialenrs a prix fixe, la table <rhôte a 30 sous ou 5 francs. Ici, point ou très-peu de ligures féminines ; mais en revanche les hommes sont nombreux et généralement jeunes. L’élr-anger modeste qui veut passer l’hiver’ à Paris, le journaliste du petit formai, le proviircial qui vîimU d’héiiler, le néijociant célibataire, l’employé bureaucrate drr second degré, composent le peisonnel payant. Au contraire des grands élablissemenls de ce genre, les consommateurs de passage y sont rares, les femmes beaucoup moiirs fringairles, les homn)es d’rrrre galanterie moins surarrnée. L.i conversation y est géirérale, facile, souvent iiiléiessante, et liriit pr’esque loujorrrs, au dessert, par- quehiue discussiorr bruyante sur la politique, la littérature, les arts et les (luctuatiorrs de la lîour’se. Quehpiefois toiiles cesqrreslions s’agitent à la fois d’rrrr bout de la table il l’autre ; alors c’est un brorrhaha il se cr’oire au par’adis des Funambules, ou a la chambre des députés un jour où la milice du centre exécute, avec sa merveilleuse irrielligcnce. la savanle manœuvre des coirfearrx d’ivoire avec acconrpagnemerrt du hourra parlementaire. Il n’y a |)as de salon de jeu, le café est servi bourgeoisement dans la salle a manger, après le gruyèr-e de fondaliorr et le pruneau quotidien. Quelquefois seulement, deux des plirs vieux commerrsaux engagent sans façon, darrs un coin de la salle, urre sileircieuse et innocente paiiie iVccartc. Les fennucs, s’il y en a, ne prrrrrrerrt aucurre espèce d’intérêt à celle lulle sans conséquences, et chairrrr se relire pour- va(]rter- a ses plaisirs ou à ses affaires.