Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/305

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1. 1- : ciiAssiau 22.i

vous arrivez au c-eiiliT, et cVsl Ih que vous Intuve/ le vrai cliasseui . Dans une réniiioudc viuït |ieisiiuiies portant le fusil ou la Iroiupe, a peine si vous rencoulrerez un iioninie méritant ce titre gloiieux ; presque tous tiendront plus ou moins du cliasseur fasliionable ou du chasseur épicier ; presque tous auront une tendance vers le dandysme on vers le braconnage. Vous reconnaitiez facilement le vrai cliasseur à sa ligure basanée, h son costume classique, à sa manière aisée de portei’ le fusil, à rol)éissauce de son cbicn. Il est bien vêtu, proprement mais sans élégance : la blouse en toile l»leue, les bonnes guêtres de peau, reniplacenlcliez luiriiahil-veste a boutons d’oi- et les bottes vernies ou les guenilles grisàlics recousues avec du til blanc. Il ne change pas d’arme chaque année, il n’essaie |)oint tous les perfectionnements nouveaux. Content de son fusil, pourquoi donc en prendrail-il un autre ? Il Qui n’a jouissance qu en la jouissance, (jui ne gaigne que du liault poincl , qui n’aime la (liasse qu’en la piinse, il ne luy a[ipai lient pas de se mesler a nostre eschole ; » dit Montaigne. Le vrai chasseur chasse pour le plaisir de chasser, pour combattre des ruses par d’autres ruses. Il jouit en voyant manœuvrer ses chiens ; plus il rencontie de diflicultés. plus il est saiisfait. S’il chasse en plaine, il n’appiécie que les coups tirés de loin ; s’il chasse au bois, il revient content lorsque le lièvre a tenu toute une journée devant sa meute. Il aime le combat plus pour le combat que pour la victoire et le butin ; il ne veut pas tuer dix lièvres, mais un lièvre : il rougirait de passer pour un bouclier.

Le Koy Modus, Gaston Phœbus et tous les anciens auteurs cynégétiques ont recommandé la chasse comme un excellent moyen d’éviter l’oisiveté, qu’ils nomn)ent le péchié (forseiisc ; ils veulent qu’on marche, qu’on se fatigue pour gagner de l’appéiit et pour conserver la santé ; mais ils traitent d’inlànies les destructeurs de gibier. Un vrai chasseur ressemble au gastronome professeur qui goûte tous les mets , et se lève de table avec une légère envie de continuer. S’il chasse, c’est pour déployer l’activité de ses jambes, les ressources de son ^énie, l’adresse de ses bras, la justesse de son coup d’tril ; non qu’il dédaigne le perdieau rôti , le civet de lièvre, la caille au gratin, la gigue de chevreuil, le salmis de bécassines : bien au contraire, il s’honore du litre de gastronome, car le vrai chasseur est un homme d’esprit , s’il n’élait pas gourmand , ce serait une anomalie, comme c’est une exception de rencontrer un gourmand qui soit un sot. Appréciant les choses à leur valeur, une fois le gibier tué, il le mange, mais ce n’est pas pour manger qu’il chasse. Arioste dit : Le chasseui n’esliiiic pas le lièvre qu’il vient de prendre. » Il se tionipo évideMiment. On pourrait lui répéter ce que lui dit un jour le cardinal Uippolyle d’Est : <i Maître Louis , où donc avez-vous pris tant de... niaiseries ? » Le chasseur épicier chasse bien un peu pour le plaisir de chasser, mais il faut (|ue la valeur des pièces tuées vienne établir une espèce de compensation pour le temps qu’il perd , la poudre qu’il brûle et les souliers qu’il use. Un lièvre galopant dans les bois n’est autre chose pour lui (ju’une pièce de cent sous marchant sur quatre pattes. N’espéiez de lui aucun ménagement ; s’il pouvait tuer mille perdreaux, certainement il les enverrait a la Halle. Si vous lui parlez de conserver, de penser ii l’année prochaine, au lendemain , il ne vous comprendra pas, ou bien il vous répondra