Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/314

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-’.50 LA FEMME DE CHAMBRE.

en iiionlres d’artient , in chaînes de du ; socale , en cidre, en marrons, en chansons, tout le bien que lu fais et les services (|ue lu rends ! — Va, mon beau messager d’amour, laisse dire les méchantes langues qui te dénigrent quand tu passes , et les honnêtes femmes qui le blàmcnl tout haut cl t’aiiprouvenl tout bas. Va , pars, accomplis la douce mission, porte ici la joie et l’espérance ; cours, glisse, mais prends garde jeu niarchant A tes souliers si bien cirés , A tes bas si blancs et si bien tendus ; retrousse-toi bien, ma fille, et montre la jambe fine et ronde, pour ne pas gâter l’ourlet de la robe de jaconas. Baisse les yeux pour mieux voir et ])Our être n)ieux vue. Les jeunes gens s’arnicnt ou te suivenl pour l’examiner A leur aise, et parmi les belles dames qui le regardent passer, il y en a i)lus dune qui donnerait volontiers sa robe de velours pour la tournure leste et gracieuse, et sa mantille bordée de maline pour les trésors que laisse deviner le simple fichu bleu c|ui recouvre Ion sein et tes épaules. Il n’y a pas jusqu’A Ion tablier si joyeux et si bien posé qui ne soil appétissani , co(|uet et fripon, comme toi , ma charmante soubrette.

D’où vient la femme de chambre, et où va-l-elle ? Ouelle esl son origine, sa deslinée l’I sa fin ? Est-elle un niyihe, une personnification de la première el la plus louchante vertu chrétienne, de celle qui fit dire cette belle parole : Il lui sera beaucoup pardonné... Et cette autre : Si i<ous donnez seulement un verre d’eau....-’ — La femme de chambre en a donné plus de mille, elle en donne au moins un tous les soirs. Que na-l-elle pas donné ? Elle a donné (ou A peu près)ses plus belles années, ses soins, son industrie, son bon goiU , son adresse et son zèle à sa maîtresse, ses loisirs , ses pensées , ses rêves , ses blanches épaules et ses lèvres vermeilles au plaisir, à l’amour... A des ingrats ! — Encore une fois , d’où vient-elle ? on dn vuuchani ou de l’aurore ? de la Lorraine, ou du pays Cauchois ? Esl-elle née .sous le chaume, dans la sous-penle d’un portier, dans la rue Quincampois ou la Chaussëe-d’Anlin ! - Grave question , que j’ai vainement sondée et retournée longtemps en moi-même, et (|ui peut se résoudre indislinclemenl en faveur de chacun des quatre-vingt-six déparlemenis de la France et des quatorze arrondissements de la Seine. — Quels sont ses projets et ses vœux ? Où va-t-ellc ainsi dans sa vie si remplie et si vide, si préoccupée des autres, el si oublieuse d’el !e-mên ;e ? Hélas ! elle va

, . . oi’i a toiile cliose ,

Où va la feuille de rose,

Et la feuille de laurier.

où vont les deux plus belles fleurs de la vie, l’amour et la jeunesse, où vont les grandes dames el les soubreltes !

A vingl-cin(i ans la femme de chambre est à son apogée ; il doit durer cinq années, après lesquelles commencera la période du décroissement. La femme de chambre ne sera plus alors que l’ombre d’elle-même, jusipi’au moment où elle disparaîtra totalement éclipsée derrière la quarantaine. Celle dernière période de dix ans n’est qu’une longue nuit qui ne comple pas dans la vie de la véritable femme de chambre. Quel changement à celte époque brillante de son existence ! Ce n’est plus celte petite fille, gauche, timide, qu’un regard déconcertait, qu’un mot faisait pâlir, qui ne savait ni pai 1er, ni se lai-^e A propos, ni nieiilir el s’arcuser pour sa mallressi’. (|ui l’Iiabillail